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La colère paysanne s’apprête à déferler sur Paris


Des agriculteurs prennent la route en direction de Paris, le 1er septembre 2015 à Morlaix (Finistère), en vue d'une manifestation (Photo AFP)

Des tracteurs venus de tout le pays sont déjà en route pour clore un été de détresse et de colères par un rassemblement monstre, jeudi à Paris, d’un monde agricole qui se sent coulé par l’effondrement des prix et l’empilement des normes.

Après la série de crises qui ont frappé tour à tour les productions laitière, bovine et porcine, la FNSEA, premier syndicat agricole du pays et celui des Jeunes agriculteurs (JA) ont appelé les paysans à crier leur désarroi dans les rues de la capitale «pour éviter que l’agriculture française ne parte en liquidation».

Selon le dernier pointage de la FNSEA, mercredi, «1 512 tracteurs» ont été enregistrés et quelque 4 000 à 5 000 agriculteurs devraient également rejoindre la capitale en bus et en train, a indiqué le secrétaire général du syndicat, Dominique Barrau.

Néanmoins, la convergence simultanée des convois partis de l’ouest, du Massif Central, du Val-de-Loire, de Bourgogne et de Rhône-Alpes vers les portes de Paris jeudi à partir de 7h00, via les autoroutes jusqu’au boulevard périphérique, promet un accès difficile à la capitale.

La préfecture de police de Paris a d’ailleurs invité les franciliens à utiliser les transports en commun jeudi pour gagner la capitale. Ensuite les tracteurs se rassembleront place de la Nation, où resteront stationnés les énormes engins de 3 à 8 tonnes chacun.

Par cette mobilisation, qui s’inscrit dans une longue liste d’initiatives et d’actions syndicales (plus de 500 cet été) la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) attendent un «engagement de la part des pouvoirs publics» en faveur des exploitants aux trésoreries exsangues.

En premier lieu, reprend M. Barrau, ils réclament un «année blanche pour les traites bancaires afin de redonner du souffle aux exploitations et de leur permettre de payer leurs fournisseurs». «Il y a une forte attente en ce sens» prévient-il.

Selon Xavier Beulin l’endettement agricole, qui touche surtout les jeunes, atteint un milliard d’euros au total.

Par ailleurs, ils attendent une réponse à leur demande de moratoire sur les normes, environnementales notamment, dont ils dénoncent l’empilement bureaucratique, incompréhensible et souvent incohérent selon eux. Ils estiment que la France «va au-delà des contraintes européennes» dans sa transposition des textes communautaires.

« Pas un défilé folklorique »

«On ne veut pas de paroles mais du concret», martèle Jérôme Despey, secrétaire général adjoint du syndicat.

Jeudi matin une délégation conduite par le président de la FNSEA Xavier Beulin et celui des JA Thomas Diemer, se rendra à l’Assemblée nationale, escortée d’une dizaine de tracteurs, pour être reçue par son président Claude Bartolone, et les élus présents. Puis elle se dirigera vers Matignon pour y rencontrer le Premier ministre Manuel Valls.

A la sortie du conseil des ministres mercredi, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement a assuré que «le gouvernement travaille pour apporter des réponses. Ce n’est pas la manifestation qui les justifie, c’est la situation des éleveurs», ajoutant que le conseil européen de l’agriculture lundi prochain permettra de les compléter.

Le contexte mondial est globalement défavorable aux producteurs français, entre l’embargo russe sur les produits agroalimentaires, la fin des quotas laitiers en Europe et le ralentissement économique de la Chine qui réduit ses achats, le tout provoquant une surproduction généralisée de lait, et par ricochet de viande, quand il faut réduire la taille des cheptels.

Les agriculteurs dénoncent aussi la guerre des prix entre les enseignes de la grande distribution, qui tire toute la chaîne de production vers le bas.

«Que les entreprises gagnent de l’argent ça ne me gêne pas… Ce qui me gêne c’est qu’ils considèrent les producteurs comme des apporteurs de matière première, qu’ils veuillent toujours acheter le moins cher possible», dénonce le président de la fédération des producteurs de lait Thierry Roquefeuil.

«On a 480 000 exploitations et 5 centrales d’achat…» rappelle M. Barrau. D’où un slogan qui devrait revenir souvent sur les tracteurs: «Des prix, pas des normes».

Il ne s’agira pas d’un «défilé folklorique ni d’une parade de tracteurs», insiste-t-il. La FNSEA assure avoir «volontairement cherché à limiter» le nombre de participants par souci de sécurité. «Mais les agriculteurs sont déterminés» insiste-t-il, redoutant leur réaction si la délégation ressort bredouille de Matignon.

AFP/M.R