La Banque centrale européenne (BCE) a déçu les attentes jeudi en ne modifiant ni ses taux d’intérêt ni son vaste programme de rachats d’actifs, mais son président Mario Draghi a laissé la porte ouverte à d’éventuelles mesures supplémentaires à l’avenir.
« Pour le moment, il n’y a pas de changement suffisamment important pour justifier une action (de la BCE). Notre politique monétaire est efficace », a justifié Mario Draghi, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de l’institution.
L’absence de décision jeudi ne remet pas en cause la « volonté ou la capacité d’agir » si besoin est, a insisté l’Italien.
Cela n’a visiblement pas suffi à rassurer les investisseurs. La Bourse de Francfort a ainsi chuté à l’écoute des paroles de Mario Draghi, pour au final terminer sur une baisse de l’indice Dax de 0,72%. Scénario semblable à la Bourse de Paris, où le CAC 40 a tout de même limité à 0,34% ses pertes à la clôture. L’euro a en revanche poursuivi sa remontée face au billet vert, à environ 1,13 dollar.
La déception s’est notamment installée, quand le président de la BCE a affirmé qu’une modification de son programme d’assouplissement monétaire, dit « QE », n’avait pas été discutée.
Si le maintien des taux d’intérêt à leur plus bas niveau historique était largement anticipé, beaucoup espéraient une nouvelle prolongation de six mois de ces 80 milliards d’euros d’achats mensuels de titres de dette (de pays et d’entreprises), un programme débuté en mars 2015 et visant à redynamiser l’inflation anémique en zone euro. Il est actuellement censé durer jusqu’en mars 2017 « ou plus si nécessaire ».
Mais pour Holger Schmieding, économiste chez Berenberg, « pas de nouvelle, bonne nouvelle » et ce, « même si les marchés ne le voient pas toujours ainsi ».
Reprise « à un rythme modéré mais constant »
Préférant insister sur les effets positifs de sa politique actuelle, la BCE a profité de sa réunion de septembre pour réévaluer ses prévisions macroéconomiques pour la zone euro, les premières depuis le référendum britannique en faveur d’un Brexit. C’est entre autres sur la base de ces pronostics que le conseil prend ses décisions de politique monétaire.
Le cataclysme économique un moment craint à cause du Brexit ne semble finalement pas se profiler, la BCE a même relevé sa prévision de croissance du Produit intérieur brut (PIB) de la zone euro pour 2016 à 1,7% pour 2016, contre 1,6% anticipé en juin.
L’économie européenne ne devrait en revanche progresser plus que de 1,6% en 2017 puis en 2018, contre 1,7% attendu jusque là.
La BCE continue de s’attendre à une reprise économique « à un rythme modéré mais constant », essentiellement tirée par la consommation, a toutefois assuré Mario Draghi.
Une demande à l’export toujours timide, en partie à cause des incertitudes entourant la sortie à venir du Royaume-Uni de l’Union européenne, les restructurations nécessaires dans certains secteurs et la lente mise en oeuvre de réformes structurelles continuent toutefois de freiner l’activité économique, a détaillé Mario Draghi, réitérant son appel habituel aux gouvernements de la zone euro à faire les réformes nécessaires dans leur pays.
En matière d’inflation, les attentes de la BCE n’ont guère changé par rapport à celles de juin. Les prix en zone euro devraient ainsi progresser de 0,2% en 2016, de 1,2% en 2017, avant d’accélérer à 1,6% en 2018. Même si l’horizon se dégage légèrement, l’évolution des prix est toujours très en-deçà de l’objectif de la BCE d’une inflation proche de 2%.
Porte ouverte
L’inaction de la BCE jeudi ne signifie que cela restera ainsi dans les mois à venir, notamment si l’institution devait se montrer plus pessimiste dans ces prévisions économiques, qui seront de nouveau révisées en décembre.
C’est pour cette date que le président de l’institut économique allemand DIW, Marcel Fratzscher, anticipe l’annonce d’une prolongation du QE au-delà de mars 2017 et « une amplification toujours plus probable des achats d’obligations d’entreprises ».
La BCE pourrait aussi y voir plus clair une fois passés l’élection présidentielle américaine et le référendum constitutionnel en Italie en novembre, qui pourrait entraîner la chute du gouvernement italien Matteo Renzi (centre gauche).
Le Quotidien / AFP