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« Jungle » : l’évacuation reprend après l’émotion des bouches cousues


Des migrants lors de l'évacuation de la "Jungle" le 3 mars 2016 à Calais. (Photo : AFP)

Ouvriers et pelleteuses étaient à l’œuvre jeudi matin pour continuer les travaux d’évacuation de la zone sud de la «jungle» de Calais, où certains migrants, dans un spectaculaire signe de protestation, sont allés jusqu’à se coudre la bouche.

Comme depuis lundi, premier jour de l’opération d’évacuation de ce secteur où vivent de 800 à 1 000 migrants selon la préfecture, mais 3 450 selon les associations, les travaux ont démarré peu avant 09H00, par un vent glacial sur la zone sud. Un hectare environ, sur une surface de quelque 7,5 hectares, a été évacué, selon la préfecture. Sur un terrain boueux, les ouvriers de l’entreprise de BTP Sogéa et les équipes de services de l’Etat chargés de convaincre les migrants d’accepter une solution d’hébergement ailleurs que dans le bidonville, encadrés par les CRS, ont commencé à arpenter et déblayer le terrain d’un secteur où est implanté un important «lieu de vie» de la «jungle»: «l’ashram kitchen».

Cette grande tente soutenue par une structure métallique fait office de centre de distribution de repas. On y sert en permanence sandwiches et thé. Une trentaine d’associatifs et de bénévoles, craignant que ce lieu ne disparaisse, s’étaient ainsi rassemblés devant, mercredi matin. «C’est un endroit très couru, où sont servis environ 1.000 repas par jour. Les migrants y trouvent de la nourriture chaude et du thé, c’est important pour eux, surtout pour les femmes et les enfants. J’espère qu’il ne sera pas détruit», explique l’une des bénévoles, souhaitant conserver l’anonymat. A ses côtés, dans le bruit des pelleteuses, Wadou, un Erythréen, confirme: «J’aimerais pouvoir continuer à venir tous les jours. Je n’ai rien pour cuisiner dans mon abri. Ca me rend triste».

L’ordonnance du jugement du tribunal administratif de Lille autorisant jeudi dernier l’évacuation partielle de la jungle avait cependant insisté sur la préservation des lieux à caractère «social», «culturel» ou «cultuel», «soigneusement aménagés», sans préciser si commerces et restaurants en faisaient partie. La préfecture s’était elle-même engagée à les conserver. Reste à savoir comment, sur le terrain, vont perdurer ces lieux-là, au milieu d’une zone qui aura été vidée entretemps.

L’inquiétude des réfugiés s’est aussi traduite mercredi par un geste spectaculaire, suscitant une vive émotion: huit migrants iraniens, selon deux responsables associatifs, se sont cousu la bouche avec des aiguilles et du fil, puis ont défilé brièvement dans une allée du camp. «We are humans» («nous sommes des êtres humains») ou encore «Where is your democracy? Where is our freedom?» («Où est votre démocratie? Où est notre liberté?»), pouvait-on lire sur deux des pancartes brandies.

«Ils ont fait ça eux-mêmes de façon peu sanitaire, en stérilisant des aiguilles en les chauffant», a raconté Olivier Marteau, responsable de Médecins sans frontières (MSF) pour Calais. «Leur cabane venait d’être détruite», a expliqué de son côté François Guennoc, de l’association L’Auberge des migrants. La préfecture, elle, ne mentionne que «deux migrants» qui se seraient cousu la bouche. «De tels faits ne peuvent que susciter une profonde émotion (…) Pour autant, rien ne justifie de telles extrémités alors même que l’Etat met tout en œuvre pour sortir les migrants des conditions indignes dans lesquelles ils survivent dans la zone sud», a réagi la préfecture dans un communiqué, alors que les images ont fait le tour des réseaux sociaux.

C’est dans ce contexte tendu que se tient jeudi à Amiens le sommet franco-britannique, où la question migratoire figure au centre des débats. Avec d’ores et déjà une annonce et une mise en garde. L’annonce: Londres va apporter 20 millions d’euros d’aide supplémentaire notamment à la sécurisation de Calais, selon le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Harlem Désir. L’avertissement: la France cesserait de retenir les migrants à Calais en cas de sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, selon le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron.

Le Quotidien/AFP

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