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Jeff Saibene : « Avec le nom que je me suis fait… »


Un mois après son départ de Saint-Gall, Jeff Saibene nous a accordé une longue interview dans laquelle il évoque l'incroyable complexité d'être coach professionnel... Mais aussi sa volonté de replonger au plus vite dans cette vie trépidante. (photo Julien Garroy)

L’entraîneur luxembourgeois Jeff Saibene a démissionné de Saint-Gall il y a un mois. Fatigué, vidé même. Mais il a déjà envie de reprendre une équipe.

Son désormais ex-président, Dölf Früh, l’a dit plusieurs fois : «Je reconnais que quatre ans et demi dans un tel business, c’est un très longue période.» C’est rien de le dire : Jeff Saibene a fini complètement rincé après 1 638 jours à la tête du FC Saint-Gall, qu’il a quitté le 1er septembre dernier. Le technicien luxembourgeois a pourtant déjà tout planifié pour un retour très rapide sur un banc de touche.

Le Quotidien : Vous faites quoi, depuis un mois?

Jeff Saibene : Je viens de prendre une semaine de vacances en Turquie.

C’était rare depuis quatre ans et demi?

Ben… en général, sur deux semaines de vacances, tu en passes une, la première, à analyser, préparer ta reprise, surveiller le mercato, trouver des matches amicaux. Les joueurs, eux, ils partent et ils décompressent. Pas nous.

Alors, une vie normale, ça fait du bien?

Cela fait trois semaines que j’ai fait mon annonce et je commence tout doucement à relâcher. Il est certain qu’au tout début, émotionnellement, ce n’était pas évident. Il y avait tous ses articles dans la presse, ses émissions à la radio et à la télé qui en parlaient… Je n’ai pas eu de sentiment de manque à proprement parler mais en me levant, les matins, forcément, j’y pensais. Comme je l’avais fait depuis quatre ans et demi.

Et le téléphone? Il sonne un peu moins?

(Il rit.) Ça a duré cinq jours. Après, ça a recommencé.

Déjà des offres?

Plusieurs contacts en tout cas.

Concrets?

Il se peut que ça aille très vite. Plusieurs clubs ont téléphoné. Certains pour tout de suite, d’autres pour cet hiver. J’ai été agréablement surpris de voir que j’avais acquis un certain statut en quatre ans et demi à Saint-Gall. J’ai une petite renommée.

Qui pourrait vous conduire où?

Il y a un peu de tout. Certaines offres financières sont tellement incroyables que je ne veux pas accepter, du côté d’Israël ou de l’Arabie saoudite. J’aurais pu gagner le triple, mais c’est trop loin pour l’instant.

Pourquoi?

Il est encore trop tôt pour moi pour partir seul à l’étranger ou, au pire, avec ma femme. Il me manque deux ou trois ans pour me dire que je peux laisser mes deux fils tout seuls. Ils ont 16 et 18 ans. Ils ont encore besoin de moi et j’ai encore besoin d’eux. Je vais peut-être rester en Suisse, histoire d’attendre que ce moment arrive. Mais j’ai aussi reçu des offres très intéressantes de clubs frontaliers.

De France et d’Allemagne?

Oui. Et si je pouvais rester dans la région, ce serait parfait.

Vous parliez des montants pharaoniques qu’on vous a proposés au Proche-Orient et que vous avez refusé. Financièrement, un coach d’Axpo Superleague tel que vous est tranquille?

Disons que je ne suis pas sous pression financièrement. Je ne suis plus comme il y a six ans (NDLR : lorsqu’il se lançait dans le métier et avait repris Aarau), à attendre des coups de téléphone, à attendre les contrats. Avec le nom que je me suis fait, je suis calme.

Vous travaillez avec des intermédiaires?

Oui, j’ai un agent mais pas de contrat. C’est un gars que je connais depuis longtemps et qui vient de temps en temps me proposer des challenges en me demandant si ça peut m’intéresser. Et il y en a d’autres, très connus dans le métier, mais qui préfèrent rester discrets, qui travaillent aussi, par derrière…

Donc aucun souci : Jeff Saibene trouvera assez rapidement un nouveau point de chute? Vous êtes « bankable » comme on dit?

Oui, c’est sûr. Mais il faut être réaliste, il y a beaucoup de concurrence. J’ai su qu’après l’annonce de mon retrait, Saint-Gall a reçu 60 offres de service en deux jours. Soixante! Il ne faut pas être naïf et se dire qu’on va trouver facilement. Oui, j’ai fait du bon travail, mais il va aussi falloir un peu de chance et bien réfléchir à la prochaine étape.

On vous devine déjà impatient d’y retourner alors que vous évoquiez un arrêt jusqu’en janvier. Vous avez changé d’avis?

Je suis chaud là! Cela fait un mois. Je ne pensais pas que cela reviendrait si vite que ça.

Vous évoquiez aussi et surtout la fatigue inhérente au poste. On s’en remet si vite que ça?

La difficulté à exercer ce métier, je l’ai ressentie physiquement. Il y a un moment où tu constates que tu ne peux tout simplement plus récupérer ni physiquement ni mentalement. Il suffit que les matches se rapprochent un peu. Tu dois toujours être prêt. Tu peux rentrer à minuit chez toi, ne pas parvenir à dormir et le lendemain, à 9 h, te présenter devant ton équipe et lui expliquer ce qui n’a pas été. Tu dois avoir des réponses. Le fait que tu sois fatigué? Ça n’intéresse personne. C’est toi le chef, c’est toi qui dirige. Tu dois toujours être prêt à prendre tes responsabilités et à faire face aux mêmes questions, encore et toujours, en conférence de presse. Saint-Gall, c’est un club qui a une moyenne de 14 000 spectateurs. Quatre ans et demi à ce rythme, c’est très dur. Avoir la pression des médias, des fans, du club, tu te lèves en ne pensant qu’à ça, tu te couches en ne pensant qu’à ça. Je ne pense pas que les gens se rendent vraiment compte de ce que ça fait.

Et malgré tout, vous voulez déjà y retourner?

Quand on arrête, on a juste une envie : faire tout à fait autre chose, ne plus entendre parler de foot. Et puis là, hier matin (NDLR : dimanche), j’ai vu un reportage sur Ernst Happel (NDLR : ancien entraîneur autrichien ayant coaché le Feyenoord, Séville, le FC Bruges, les Pays-Bas, le Standard, Hambourg…). Il y disait qu’«un jour sans football est un jour de perdu». J’ai dit ça à mon fils aîné, on a bien rigolé. Lui, au lycée, il en a tellement entendu parler de cette histoire de démission…

Et oui, maintenant, papa est connu?

Dans un journal suisse, la semaine passée, il y avait un grand article qui comparait ma démission avec celle de Lucien Favre de Mönchengladbach et de Marcelo Bielsa à Marseille. Mais surtout Favre. Il avait commencé à Gladbach deux semaines avant moi et a terminé au même moment. Je n’ai pas eu autant de succès que lui et à une autre échelle, mais bon, visiblement, j’ai un nom…

… Qui a été scandé par le public de Saint-Gall lors du premier match de championnat suivant votre départ, mardi dernier, contre Thoune.

Oui, j’ai vu ça sur internet en direct, depuis la Turquie. Il y avait un énorme drapeau aussi. C’est incroyable comme sentiment que les gens vous disent merci comme ça.

N’avez-vous pas de regrets quant à votre gestion? N’avez-vous pas été bien trop abordable pour beaucoup de gens, n’avez-vous pas dépensé beaucoup d’énergie pour façonner cette image?

Certains entraîneurs essaient de changer de personnalité quand ils arrivent dans un nouveau club, pour montrer qu’ils peuvent faire autrement que ce à quoi ils sont habitués. Hors de question pour moi, je garde ma philosophie. On me prend comme ça ou on ne me prend pas.

Julien Mollereau

Jans aurait pu l’intéresser

En quatre ans et demi aux commandes de Saint-Gall, qu’il n’aille pas nous faire croire qu’il n’a jamais reçu de petits coups de fil du Luxembourg pour qu’il donne un coup de main, afin de recaser un joueur local, au motif qu’entre Luxembourgeois, on peut se serrer les coudes? «Non, je n’ai jamais été contacté dans ce sens-là, jure Saibene. Mais j’avoue que je discutais fréquemment avec Luc Holtz des joueurs qui pouvaient être intéressants et nous avions, notamment, évoqué le cas de Laurent Jans, qui m’aurait intéressé si je n’avais pas déjà eu deux latéraux sous contrat côté droit.» Dont Mario Mutsch, qui n’a pas eu de passe-droit au moment du départ de son compatriote de coach : il l’a appris le jour-même, à 9 h 45. «Nous avions une très bonne relation, mais professionnelle», détaille Saibene.

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