L’équipementier japonais Takata, dont les airbags défectueux ont tué au moins 16 personnes dans le monde, a déposé le bilan lundi, épilogue d’un des plus gros scandales de l’histoire de l’automobile.
À l’issue d’un conseil d’administration tenu à l’aube, le groupe a annoncé avoir enclenché la procédure de redressement judiciaire, « à la fois auprès d’un tribunal de Tokyo et aux Etats-Unis ». Il s’agit de la plus importante faillite d’un industriel dans le Japon d’après-guerre.
Outre sa filiale américaine, basée dans le Delaware, qui s’est placée sous la protection du chapitre 11 sur les faillites, ses différentes unités, situées notamment en Chine et au Mexique, sont concernées.
L’ancien numéro deux mondial des airbags a précisé avoir conclu un accord pour transférer ses activités à Key Safety Systems (KSS), un équipementier américain contrôlé par le chinois Ningbo Joyson Electronic, pour un montant de 175 milliards de yens (1,4 milliard d’euros).
« KSS va acquérir l’essentiel de Takata, à l’exception de certains actifs et opérations liés aux coussins de sécurité » mis en cause dans le scandale, a précisé la firme américaine, qui espère bâtir « un fournisseur de premier plan avec environ 60.000 salariés dans 23 pays ».
Le PDG de Takata, qui a longtemps repoussé le scénario de la faillite, s’est félicité du choix de KSS, « un repreneur idéal ». Shigehisa Takada, héritier de la famille fondatrice, a promis, lors d’une conférence assortie de maintes excuses comme l’exige la tradition japonaise, de démissionner « au moment approprié » une fois le passage de relais effectué.
Malgré cette affaire, « la force d’une main-d’oeuvre compétente, de la présence géographique (de Takata) et ses exceptionnels volants, ceintures et autres produits de sécurité n’a pas diminué », a commenté de son côté Jason Luo, PDG de KSS, cité dans un communiqué. La transaction doit être bouclée « au premier trimestre 2018 ».
Quant au nom Takata, né au début des années 1930, il est vraisemblablement amené à disparaître une fois l’affaire soldée, ce qui pourrait prendre du temps.
Takata avait fait un grand pas en concluant en début d’année un règlement avec les autorités américaines: accusé d’avoir dissimulé pendant des années le problème, il a plaidé coupable et s’est engagé à verser une amende d’un milliard de dollars afin d’échapper à un procès pénal.
Mais de nombreuses plaintes civiles restent en cours, en particulier aux Etats-Unis, pays le plus touché, et des millions de véhicules doivent encore être rapportés au garage sur les 100 millions d’airbags rappelés au total dans le monde, du jamais vu dans l’histoire de l’industrie automobile.
« Le schéma retenu nous permettra de garantir un approvisionnement régulier », a assuré M. Takada.
« Nous espérons que Takata fera des efforts pour éviter l’interruption de la fourniture des pièces de remplacement, ce qui causerait davantage de confusion », a insisté le ministre de l’Industrie Hiroshige Seko, qualifiant la faillite d' »inévitable ».
Les racines du scandale remontent au début des années 2000 quand Takata a changé la composition chimique de ses gonfleurs pour faire des économies. Au fil des ans, les explosions intempestives se sont multipliées mais la direction a tardé à réagir et le problème s’est amplifié.
Selon les estimations d’analystes, non confirmées officiellement, la compagnie laisse une ardoise de plus de 1.000 milliards de yens (8 milliards d’euros).
Honda, premier client de Takata, a d’ores et déjà prévenu qu’il avait peu d’espoir de « récupérer » les importantes sommes dépensées pour remplacer les airbags, tout en assurant que l’impact sur ses résultats financiers de l’année en cours serait « limité » étant donné que de l’argent a déjà été mis de côté. Toyota et Nissan ont émis des déclarations similaires, le premier chiffrant les coûts liés à l’affaire, dans son cas, à 570 milliards de yens.
Des constructeurs étrangers sont également affectés, parmi lesquels BMW, Ford et General Motors.
A la Bourse de Tokyo, les transactions sur le titre Takata ont été suspendues lundi, avant sa radiation définitive de la cote le 27 juillet. Depuis la révélation publique de l’affaire début 2014, l’action a fondu de 95%.
Le Quotidien / AFP