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Intrusion dans un hôpital parisien en marge du 1er-Mai : que sait-on?


Les témoignages apparaissent contradictoires quant à la nature de l'intrusion par des manifestants à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière mercredi en marge du défilé du 1er-mai. (photo AFP)

Que s’est-il passé mercredi à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, en marge du défilé parisien du 1er-Mai? Une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue à la suite d’une intrusion dans l’enceinte de l’établissement, qualifiée d' »attaque » contre un service de réanimation par le ministre de l’Intérieur.

« Intrusion violente » selon la direction

Peu après 16h, alors que les tensions redoublent entre « radicaux » et forces de l’ordre et que le cortège est séparé entre la place d’Italie et le boulevard de l’Hôpital, plongés sous les gaz lacrymogènes, la directrice de La Pitié-Salpêtrière est informée d’une tentative d’intrusion dans l’établissement.

« Je me suis immédiatement rendue sur place, et lorsque je suis arrivée, la grille était forcée, la chaîne avait cédé, et des dizaines de personnes étaient en train d’entrer dans l’enceinte de l’hôpital », a témoigné Marie-Anne Ruder mercredi soir. Parmi les « intrus », des « gilets jaunes » et des personnes au visage dissimulé, a assuré la directrice de l’établissement, qui a appelé les services de police en raison notamment de « gestes violents et menaçants ».

Puis des dizaines de personnes « se sont précipitées en montant un escalier, en passant une passerelle vers le service de réanimation chirurgicale », qui accueille des « patients particulièrement vulnérables », a déclaré le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, mercredi soir.

Sur la foi d’images de vidéosurveillance « absolument édifiantes » et qui seront transmises aux enquêteurs, il a décrit la tentative d’intrusion « alors que s’interposaient des infirmières, un interne (…) qui tenaient la porte avec toute la force qu’ils pouvaient avoir en criant ‘attention, ici il y a des patients' ».

Marie-Anne Ruder a précisé jeudi : « Située au niveau du portail de l’établissement, j’avais une vision sur l’une des entrées du service de réanimation, j’ai pu constater que plusieurs dizaines de personnes ont tenté de forcer la porte du service ».

Les forces de l’ordre sont arrivées après « une dizaine de minutes » et ont délogé les intrus, selon elle.

« Plus de 30 individus ont été placés en garde à vue à la suite de l’intrusion à la Pitié-Salpêtrière », a indiqué le parquet de Paris.

« Exaction à l’hôpital » 

En déplacement dans cet hôpital où un CRS a été admis pour une blessure à la tête, le ministre de l’Intérieur a évoqué mercredi soir une « attaque » par des dizaines de militants anticapitalistes d’ultragauche « black blocs ».

« Des infirmières ont dû préserver le service de réanimation. Nos forces de l’ordre sont immédiatement intervenues pour sauver le service de réanimation », a affirmé Christophe Castaner devant la presse.

« Je ne connais pas les motivations de cette intrusion inexplicable », a indiqué Martin Hirsch, qui a annoncé avoir porté plainte. « Je ne les ai pas vus crier à la recherche d’un blessé particulier. Je ne sais pas si c’est une invasion d’hôpital, s’ils fuyaient quelque chose », a-t-il ajouté.

Selon Martin Hirsch, « il n’y a pas eu de dégradations, grâce au sang-froid de l’équipe qui a tenu la porte, et grâce à la police qui est intervenue rapidement ».

« Intolérable », « inexcusable » : les réactions indignées se sont succédé sur Twitter.

« C’est la première fois qu’il y a une exaction dans un hôpital (…). Je pense que tous les Français, comme moi, sont extrêmement choqués, c’est inqualifiable en fait », a dit la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, jeudi.

La CGT de l’AP-HP a de son côté dénoncé dans un communiqué « l’amalgame fait entre un groupe ultra organisé et violent (« black blocks ») et les 80000 manifestants qui ont défilé pacifiquement à Paris ». Elle a réclamé « une totale transparence » et condamné l’attitude de Mme Buzyn, « plus prompte à communiquer (…) sur le non-événement de la Pitié » qu’à « aller à la rencontre des personnels de santé » en grève.

Détonnant dans le paysage politique, où des représentants de la majorité, des Républicains ou du Rassemblement national ont condamné l’incident, le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a lui fustigé un « mensonge (du ministre de l’Intérieur) Castaner », qu’il accuse d’avoir « inventé » l’attaque de la Pitié, un an après « les mensonges de Benalla ».

Pour se protéger des gaz lacrymogènes? 

Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des manifestants – femmes, hommes, avec ou sans gilets jaunes – ne montrant pas de signes visibles d’agressivité, stationner dans l’enceinte de la Pitié-Salpêtrière et tout près de l’entrée d’un bâtiment, du côté de l’entrée au numéro 97 du boulevard de l’Hôpital.

On y voit également des policiers arriver par cette même entrée 97 et faire ressortir les manifestants vers le boulevard.

Plusieurs témoignages et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux laissent penser que des manifestants auraient pu chercher à se réfugier dans l’enceinte de l’hôpital, dotée d’espaces verts et qui s’étend sur plusieurs hectares, pour échapper aux charges des forces de l’ordre ou à l’air saturé de gaz lacrymogènes. « Nous étions dans un nuage opaque de gaz irrespirable, les gens ont fui sans savoir où ils allaient », a expliqué la « gilet jaune » Sophie Tissier, présente « boulevard de l’Hôpital », où se situe l’établissement, « quand la nasse a été fermée ».

Une journaliste de l’AFP a également vu à cet endroit des manifestants se réfugier dans l’enceinte de l’hôpital – qui fait plusieurs hectares – pour échapper aux gaz lacrymogènes sur le boulevard de l’Hôpital, avant d’être pourchassés par les forces de l’ordre, et certains interpellés.

À ce stade, rien ne permet toutefois de dire si ces personnes visibles sur les vidéos ou celles vues par la journaliste de l’AFP sont les mêmes dont ont parlé MM. Castaner et Hirsch et Mme Ruder.

Scène « non violente » selon des soignants 

« Vous arrivez par un portail, vous ne savez pas à quel service vous avez affaire. Comment savoir que c’était une réanimation derrière les portes vitrées? », a témoigné jeudi une aide-soignante du service de réanimation Gwenaëlle Bellocq.

« On ne va pas confondre les choses qui se passaient dans la rue et ce qui se passait devant notre réanimation, c’est pas la même chose », a-t-elle dit.

L’un de ses collègues infirmier, Mickaël, également présent mercredi sur les lieux, a expliqué que la porte « vitrée » par laquelle les manifestants ont tenté de passer est « une issue de secours, qui est à l’arrière (NDLR : de la réanimation) avec un code de l’autre côté ».

« Est-ce qu’ils voulaient nous agresser ? Est-ce qu’ils voulaient juste échapper à quelque chose? On ne savait pas », a-t-il poursuivi, racontant que les personnes criaient « ouvrez la porte » et qu' »aucune » d’entre elles n’avait « le visage masqué, ni cagoulé ».

« On comprenait leur détresse mais on ne savait pas leur intention », a-t-il ajouté, décrivant une scène « très courte » et « non violente ».

Pour son collègue Jérôme Leclercq, « il n’y avait rien de violent, en tout cas envers nous (…). C’était plus un état de panique, la peur de se faire taper, de recevoir quelque chose de la police, qu’une attaque, mais au final tout s’est passé très calmement ».

AFP