Des trahisons et des rebondissements dignes des meilleures productions américaines… Pour les auteurs de séries TV politiques, la campagne présidentielle française est si incroyable qu’ils n’auraient jamais osé imaginer un tel scénario.
Avec l’affaire Fillon, « on a enfin une formidable série politique française, et qui s’exporte puisque toute la presse étrangère en parle ! », s’exclame l’écrivain et scénariste Dan Franck, auteur des Hommes de l’ombre, qui traite de la communication en politique, et de Marseille, drama sur les coulisses du pouvoir municipal entre secrets et mensonges. « Je regarde tout ça comme une série, il y a des cliffhangers (des rebondissements, NDLR) tous les jours, je me délecte ! », assure-t-il avec fascination. « Et comme dans une série, le plus intéressant est de voir ce qui se passe au sein d’un même camp, avec des histoires de trahison, de famille… »
« La réalité est toujours plus tordue »
Les internautes sont sur la même longueur d’ondes, pour preuve le hashtag #HouseOfSarthe lancé vendredi sur les réseaux sociaux et qui s’inspire de la série américaine House of Cards, référence du genre. « Tout y est, l’enjeu familial, la femme trempée dans le scandale, le monde du personnage qui s’écroule sous ses pieds », remarque l’écrivain Marc Dugain, auteur de L’Emprise, une trilogie mêlant politique et espionnage, qui sera adaptée en série sur Arte. « Ce qui se passe actuellement est extraordinaire, nous, les auteurs de fictions, sommes sans cesse battus par la réalité. On peut toujours inventer des histoires, la réalité est toujours plus tordue. »
Pour le philosophe Philippe Nassif, spécialiste de la pop culture, « on a un rapport thérapeutique aux séries, comme si on se soignait de cette anxiété généralisée, de cette instabilité contemporaine ». Jeppe Gram, co-scénariste de la série danoise Borgen, une autre incontournable des fictions politiques, s’est lui-même largement inspiré de témoignages de responsables politiques pour camper sa très réaliste Première ministre Birgitte Nyborg, mais s’avoue cette fois battu : la situation française « est vraiment un bonne série ! A côté, Borgen a presque l’air innocent ou désuet… », admet-il.
Entre Downton Abbey et Game of Thrones
La réalité dépasse tant la fiction, jugent en chœur ces auteurs, qu’un tel scénario aurait été refusé par les télévisions. « On nous aurait dit que c’était divertissant, mais trop tiré par les cheveux », tranche Jeppe Gram. « Ce ne serait pas crédible », renchérit Dan Franck, « d’autant que pour les séries politiques, on n’est pas très courageux en France ». « Le jeu constant des apparences a un côté House of Cards. Et on a une mise en scène de l’effondrement d’un monde ancien avec des effets de chaos et d’inattendu, à la Downton Abbey« , selon Philippe Nassif, qui voit aussi des liens avec Game of Thrones.
Et s’ils devaient écrire la suite de la campagne française ? Le scénariste danois imagine le retour de François Hollande, ou encore un second tour Macron-Le Pen, où un scandale éclabousserait Emmanuel Macron tandis que Marine Le Pen gagnerait. « Ce serait un scénario effrayant mais intéressant ! Surtout si la personne qui révèle le scandale veut aider Le Pen ! Mais j’espère que ce ne sera pas aussi divertissant que ça… », glisse Jeppe Gram.
Pour Dan Franck aussi, le scénario actuel est trop noir : « Ce qui me fait peur est que nous sommes dans le ‘tous pourris’, alors que dans mes scénarios je m’efforce toujours d’avoir un personnage positif… » Et il est tout trouvé : celle qui se trouve au cœur de la vraie intrigue. « Seule Penelope apparaît comme une vraie victime, l’incarnation des femmes emprisonnées dans le rôle de femme au foyer… On a envie qu’elle se révolte ! Ce serait une fiction formidable. »
« Et si je devais la faire, je m’intéresserais aussi à celui qui a envoyé les documents au Canard… Est-il de son clan ? Est-ce une vengeance ? » De quoi s’assurer d’emblée une saison 2 !
Le Quotidien/AFP