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Hollande menace le patronat de légiférer sur le salaire des grands dirigeants


François Hollande lors de son intervention sur la radio Europe 1 le 17 mai 2016 à Paris. (Photo : AFP)

François Hollande a menacé mardi de légiférer sur la rémunération des dirigeants d’entreprises au nom de l’«exigence morale», en rendant contraignantes les décisions des assemblées générales d’actionnaires, après les polémiques sur les salaires des patrons de Renault et PSA Carlos Ghosn et de Carlos Tavares.

Début mai, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron avait mis la pression sur Renault et déjà évoqué la possibilité de légiférer en la matière. Cette fois-ci, François Hollande s’est adressé directement aux organisations patronales, et a précisé ses intentions si celles-ci ne prenaient pas les choses en main. «C’est maintenant aux autorités du patronat, des employeurs, d’avoir cette exigence morale» de limiter la rémunération des dirigeants d’entreprise, a déclaré le président de la République sur Europe 1.

«A la loi d’intervenir pour des règles plus simples, plus claires, si rien ne se fait du côté patronal», a-t-il ajouté. Si sous l’impulsion de M. Hollande, les salaires des patrons d’entreprises publiques ou majoritairement détenues par l’Etat (EDF, La Poste, SNCF…) ont été plafonnés, à 450 000 euros par an, c’est la voie de l’auto-régulation qui a été choisie pour le privé. Le chef de l’Etat a appelé à ce que le code de bonne gouvernance de l’Afep-Medef, élaboré par le Haut comité pour la gouvernance d’entreprise, «s’applique» pour des cas comme celui de Renault.

Le conseil d’administration de la marque au losange est passé début mai outre le vote consultatif des actionnaires (dont l’Etat qui détient 20% de l’ex-régie nationale), qui se sont prononcés contre à 54,12% contre la rémunération 7,251 millions d’euros de Carlos Ghosn au titre de PDG de Renault.

Sans quoi, «la première décision qui sera prise (dans le cadre d’une loi, ndlr), s’il n’y a pas une intervention vigoureuse de ce conseil du patronat, c’est que toutes les décisions des assemblées générales seront immédiatement exécutoires», a averti M. Hollande. Par conséquent, «le conseil d’administration ne pourra pas défaire ce que l’assemblée générale d’actionnaires aura fait», a-t-il ajouté.

Limites du «Say on pay»

Le Medef n’a pas souhaité faire de commentaires sur les déclarations du chef de l’Etat. «Dans l’immédiat, le Haut comité pour la gouvernance d’entreprise est en train d’examiner le cas de Renault», s’est-on contenté de dire. Par ailleurs, il «travaille à une révision du Code» Afep-Medef, a-t-on ajouté, sans plus de détails.

La récente polémique autour de Renault s’est ajoutée à celle concernant la rémunération de Carlos Tavares, dirigeant du constructeur automobile PSA. Son salaire a été quasi-doublé, malgré le vote négatif de l’Etat, actionnaire minoritaire du constructeur automobile, en assemblée générale. Pour Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest, un cabinet de conseil aux actionnaires qui milite pour un meilleur encadrement de ces pratiques, les déclarations de M. Hollande vont dans le bon sens.

«Ca va remettre un peu de sens sur ce sujet, enlever un peu de pouvoir aux conseils d’administrations qui sont un peu trop endogamiques», estime-t-il. «Nous sommes dans un système qui donne l’image d’une poignée d’individus qui fixent eux-mêmes leurs revenus et sont intouchables», regrette-t-il. Cette situation dans laquelle les actionnaires des entreprises n’ont qu’un vote consultatif – une procédure dite de «say on pay» – est «un peu ubuesque», observe-t-il.

Un avis que semble partager le directeur de l’Agence des participations de l’Etat (APE), Martin Vial. «Dans le cas de Renault, nous touchons aux limites du +say on pay+, car les actionnaires émettent un avis uniquement consultatif et ex post», a-t-il déclaré dans une interview parue mardi dans les Echos. Même si le gouvernement ne décidait finalement pas de rendre contraignantes les décisions des AG, cette perspective pourrait tout de même voir le jour à moyen terme, une directive européenne en cours d’élaboration envisageant de rendre le «say on pay» contraignant à l’horizon 2018 au sein de l’UE.

Mais il serait préférable «que la France anticipe», estime M. Dessaint.

Le Quotidien/AFP