Claude Hermant, soupçonné d’être au coeur d’un trafic d’armes dont six ont servi à Amedy Coulibaly dans l’attentat de l’Hyper Cacher et le meurtre d’une policière à Montrouge en 2015, a tenté de convaincre qu’il était un «indic», lundi au premier jour de son procès devant le tribunal correctionnel de Lille.
Crâne rasé, carrure solide et vêtu de noir, Claude Hermant a répondu souvent approximativement, lundi, aux questions du président du tribunal Marc Trevidic concernant des messages ou des courriels envoyés aux «services». «Je ne sais pas…», «je ne suis pas directeur d’enquête», a-t-il souvent répondu aux questions du président.
«Mais qui sont ces clients?» acheteurs des armes, s’est emporté le procureur Jean-Philippe Navarre. Hermant refuse de répondre précisément. Un peu plus tard, il répond sèchement au parquet: «Qu’on me condamne parce que les situations étaient borderline je comprends, mais pas au-delà. Je ne suis pas un voyou», dit-il, ajoutant que les attentats de 2015 «ont pollué cette enquête».
Hermant, 54 ans, figure de l’extrême droite lilloise et en détention provisoire depuis janvier 2015, aurait acheté par l’intermédiaire de la société de son épouse un demi-millier d’armes importées notamment de Slovaquie. Selon sa défense, c’est pour des missions d’infiltration, lui qui se dit «indic» des gendarmes et des douaniers, qu’Hermant a écoulé ses armes, qu’il stockait parfois dans la chambre froide de sa friterie dans le «quartier de la soif» de Lille, proche du centre-ville.
Claude Hermant est «quelqu’un qui travaillait pour la DNRED (direction nationale des enquêtes douanières, NDLR), ensuite pour la gendarmerie. Dans le cadre de ces activités, il a été amené à faire des infiltrations, en matière de stupéfiants ou d’armes. Et il ne connaissait pas Coulibaly», a affirmé lundison avocat, Me Maxime Moulin. Deux jours après l’attentat contre Charlie Hebdo perpétré par les frères Kouachi, Amedy Coulibaly avait assassiné quatre personnes dans le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris, avant d’être tué dans l’assaut des forces de l’ordre. La veille, il avait tué une policière municipale à Montrouge (Hauts-de-Seine).
«Je suis un sanguin…»
Plusieurs fois, lundi, Claude Hermant, resté près de quatre heures à la barre sans interruption de séance, a laissé éclater sa colère face aux questions d’avocats de ses neuf co-prévenus. «Là j’en peux plus! vous savez que je suis un sanguin, et il faut que ça s’arrête», s’écrie cet ancien champion de boxe thaï.
Le méticuleux et flegmatique Marc Trevidic s’étonne du peu de contacts de Hermant avec ses supposés agents traitants. «vous ne dites jamais rien à personne !», dit le juge, soulignant que Claude Hermant faisait «énormément de commandes pour fournir la même personne», à savoir Samir Ladjali, un des intermédiaires présumés de Coulibaly et mis en examen dans le volet parisien.
Les dix prévenus, dont trois sont en détention provisoire, encourent dix ans d’emprisonnement pour trafic d’armes en bande organisée. Dans la matinée, le de lundi tribunal s’est intéressé à des questions de procédure, certains avocats des prévenus demandant le retrait des pièces du dossier venant du volet parisien du dossier du circuit des armes de Coulibaly. Il a décidé un huis clos partiel mercredi (presse acceptée mais pas le public) pour l’audition prévue de trois gendarmes. Le procès doit durer jusqu’à vendredi.
Le Quotidien/AFP