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Gérard Lopez : de la F1 à la L1, portrait d’un homme pressé


Gérard Lopez sait attirer vers lui des compétences, et des capitaux. Mais saura-t-il s'attirer la confiance des supporters et composer avec la pression populaire ? (photo AFP)

L’homme d’affaires luxembourgeois Gérard Lopez, en train d’acheter le club de Lille, assouvit une passion en débarquant à 45 ans dans le foot pro après avoir laissé une impression contrastée en Formule 1 avec l’écurie Lotus.

Ce polyglotte dirigeait déjà depuis 2007 le club de sa ville natale au Grand-Duché, le CS Fola Esch. Il avait aussi été un temps candidat à la reprise de l’Olympique de Marseille, doublé dans la dernière ligne droite par l’Américain Frank McCourt. « Il est quand même arrivé en finale, c’était un candidat solide, un homme d’affaires qui a gagné beaucoup d’argent, mais il a un peu sous-estimé la communication extérieure dans le dossier OM, une erreur qu’il n’a pas renouvelée dans le rachat de Lille, d’ailleurs », observe une source proche du dossier. « Il a un peu mis la pression à Margarita Louis-Dreyfus (l’ex-propriétaire, NDLR) sur la fin par l’intermédiaire de la presse, ce que les Américains n’ont jamais fait », poursuit cette source. « Et si ce n’est pas lui qui a fuité, c’est qu’il ne tient pas bien ses équipes et alors ce n’est pas bon signe. »

Erreur de jeunesse, de stratégie ? Cet homme au tempérament de fonceur est pourtant réputé savoir s’entourer. Il a ainsi pour proches des personnalités telles que le Catalan Marc Ingla, ancien directeur marketing du FC Barcelone (2003-2007), ou le Portugais Luis Campos, ex-directeur technique de Monaco (2013-2016).

Skype et Räikkönen

Avec son sourire enjôleur et son entregent, Lopez sait attirer vers lui des compétences, et des capitaux. Car l’homme a du flair. A 33 ans, il est devenu très riche grâce à son investissement dans une application sur internet de transmission gratuite de voix et d’image, qui allait devenir incontournable : Skype. Ses principaux fonds se nomment Mangrove et Genii Capital.

Mais le charmant Gérard Lopez peut aussi s’énerver. Quand il s’est rendu compte que les écuries de F1 indépendantes, comme Lotus, n’étaient pas aussi bien traitées commercialement que les « top teams », il a porté plainte avec l’écurie indienne Force India, devant l’Union européenne, pour « concurrence déloyale ». Car oui, l’Hispano-Luxembourgeois a connu une première vie dans le sport professionnel, quand il a repris en 2011 l’écurie Renault, rebaptisée Lotus. Adepte des grands noms, il fait sortir de sa retraite Kimi Räikkönen, champion du monde 2007. Lopez a alors vécu deux saisons de rêve, grâce au Finlandais et au Français Romain Grosjean. La petite équipe d’Enstone en Angleterre réussit à terminer deux fois au 4e rang mondial, en 2012 et 2013, derrière les écuries de pointe (Red Bull, Ferrari, Mercedes).

Pression populaire de la L1

Il s’appuie sur un budget raisonnable (150 à 200 millions d’euros par an), celui d’un gros club de Ligue 1, et attire en F1 de gros sponsors comme Unilever, Coca-Cola et Microsoft. Lopez profite aussi des paddocks pour enrichir son carnet d’adresses, en croisant les sphères politique et financière, et caresser des projets en Russie. Puis tout s’est gâté assez vite : le taciturne et très populaire Räikkönen est retourné chez Ferrari, les moteurs français sont devenus moins performants à cause d’une nouvelle règlementation technique, et un pilote payant est arrivé, Pastor Maldonado, plus doué pour remplir les caisses de ses pétrodollars que pour marquer des points au classement.

Quelque chose s’est alors cassé, et c’est comme si Lopez s’était lassé, peut-être parce que son écurie était rentrée dans le rang. Le patron ne venait plus que rarement sur les Grands Prix, et fin 2015, après six mois de négociations laborieuses, il revendait son jouet à Renault pour un euro symbolique, à cause des pertes accumulées en 2014 et 2015.

Cette expérience en F1 sera dans un coin de la tête des supporters du Losc : Gérard Lopez devra désormais composer avec la pression populaire, inexistante en F1.

Le Quotidien/AFP