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Gastauer et Didier tiendront-ils longtemps ?


Ben Gastauer (ci-dessus), comme Laurent Didier, va-t-il pouvoir terminer le Tour de France ? (photo Gerry Schmit)

Ben Gastauer et Laurent Didier, les deux Luxembourgeois, fiévreux, sont allés au bout de leur combat dans l’étape de mardi. Chapeau !

Malgré une bronchite aiguë pour l’un, et une sinusite doublée d’une otite pour l’autre, malgré la chaleur qui faisait fondre le goudron sur la route de cette première étape pyrénéenne, Ben Gastauer et Laurent Didier sont allés au bout. Tiendront-ils longtemps?

Leurs visages livides reflétaient hier la très juste proportion du calvaire enduré. Il était 17 h 25 et ils durent poursuivre l’effort au-delà de la ligne d’arrivée, quelques hectomètres encore pour regagner leur bus dans le brouhaha habituel de l’aire d’arrivée qui se referme toujours sur les coureurs, prisonniers de cette marée humaine, pressante et pas toujours bienveillante, avide de toucher un casque par-ci, un dossard par-là.

Les yeux brillants, mais le regard vide, le souffle court et la respiration difficile, Ben Gastauer et Laurent Didier, compatriotes et compagnons de galère, venaient d’aller au bout d’eux-mêmes alors que le Tour, lui, venait d’encaisser de plein fouet le choc de la domination ahurissante de Chris Froome, ce qui, on doit en convenir, file quand même la trouille au sortir des années de plomb.

Ils étaient arrivés en haut de La Pierre-Saint-Martin, presque côte à côte, mais quand même bien l’un après l’autre au sein du gruppetto, peu importe l’ordre en fait, plus de 23 minutes après le maillot jaune. Lessivés. Crevés. Mais toujours bien en vie. En survie pour être un peu plus juste. Sans parvenir à décrocher un mot, ils s’étaient engouffrés dans ce bout d’intimité familier, où ils se retrouvent à poil, avant et après la douche, avant d’en redescendre pour glisser des morceaux de confidence.

Que pouvaient-ils dire, au fond, de ce que nous ne savions pas? De ce que nous n’avions pas saisi au vol? «Ce matin, j’ai hésité à prendre le départ car j’ai eu de la fièvre durant la nuit. Je me suis accroché au gruppetto comme j’ai pu. J’espère que ça ira mieux [aujourd’hui], car l’étape sera plus dure» , confessera Laurent Didier, bronchiteux.

«Je lui ai dit que c’était à lui de décider»

«Ce sera dur de poursuivre dans ces conditions. J’avais à peine la force de m’accrocher au gruppetto. Toute la journée, j’étais à fond et j’avais peur de me faire lâcher», complètera Ben Gastauer qui, en plus de sa sinusite aiguë, souffre désormais d’une otite. Forcément, il n’avait rien vu de la débâcle de ses leaders, enterrés vivants comme les autres par l’ogre Chris Froome. Chacun sa galère, au fond.

«[Mardi] matin, lorsque j’ai appris qu’il avait eu dans la nuit jusqu’à 40 degrés de fièvre, j’ai dit à Ben, que c’était à lui de décider s’il devait, ou non, abandonner. Je lui ai répété que la santé était plus importante que le Tour, que c’était à son corps de décider» , nous rapporte son père, Romain Gastauer, peiné, forcément, de lire tant de souffrance sur le visage du fiston.

Hier, Ben Gastauer et Laurent Didier ont lutté, et encore lutté, en queue de peloton. Ils se sont accrochés. Accrochés encore. Le plus longtemps possible. Résister le plus loin possible. Finir, vu leur état, ils ne pouvaient pas faire mieux. Le seul objectif raisonnable, affiché le matin même à Tarbes, était de venir à bout, dans les délais, de La Pierre-Saint-Martin de ses quinze kilomètres d’ascension et de ses 1 610 mètres d’altitude. C’est fait. Avec les tripes.

Avec un courage assez inouï aussi, mais hier soir, alors qu’ils regagnaient leur hôtel palois, personne, même pas eux, n’était en mesure de savoir s’ils pourraient continuer ainsi. Car le Tour de France sait aussi se montrer cruel avec les plus méritants. Personne ne pourra rien y changer…

De notre envoyé spécial à La Pierre-Saint-Martin, Denis Bastien