Un sixième procès, trente-deux ans plus tard : le tueur en série Francis Heaulme est rejugé à partir de mardi à Versailles pour le meurtre en 1986 de deux enfants à Montigny-lès-Metz.
Cyril Beining et Alexandre Beckrich, 8 ans, avaient été retrouvés morts sur le talus d’une voie ferrée, le crâne fracassé à coups de pierre, au soir du 28 septembre 1986.
Cinq procès d’assises ont déjà eu lieu dont trois pour Patrick Dils, condamné à la perpétuité avant d’être acquitté à la faveur de la révision de son procès après quinze années derrière les barreaux.
« Montigny, c’est pas moi »
Francis Heaulme, lui, a déjà comparu deux fois. Son premier procès avait été annulé en raison de révélations impliquant un autre suspect, qui a finalement bénéficié d’un non-lieu.
Le 17 mai 2017, la cour d’assises de la Moselle a estimé que le « routard du crime » était, malgré ses dénégations, coupable de ce double crime et l’a condamné à la perpétuité. Mais le tueur en série, déjà condamné pour neuf meurtres, a immédiatement fait appel.
Pendant trois semaines, jurés et magistrats des assises des Yvelines vont se pencher à nouveau sur ce dossier dans lequel toutes les preuves matérielles ont été détruites ou restent introuvables.
Pour l’accusation, la présence attestée sur les lieux de Francis Heaulme, les témoignages de deux anciens codétenus ayant recueilli ses confidences et des similitudes avec quatre de ses meurtres – une « quasi-signature criminelle » – le désignent comme le meurtrier.
Pourtant, s’il a reconnu avoir vu les enfants vivants puis morts et a décrit avec précision les lieux, il a toujours nié les avoir tués. « Montigny, c’est pas moi », a-t-il inlassablement répété jusqu’aux derniers instants de son procès en 2017.
La ténacité de Chantal Beining
À quelques jours de l’ouverture des débats, Me Dominique Boh-Petit se prépare à soutenir à nouveau une condamnation : c’est la ténacité de sa cliente Chantal Beining, la mère de Cyril, qui a abouti à ce procès.
Au contraire, la famille Beckrich « n’attend rien de ce procès, sauf un coup d’éclat qui amènerait la preuve de la culpabilité de Francis Heaulme », a déclaré leur avocat, Me Dominique Rondu.
« On ne veut pas d’un coupable de substitution », poursuit-il : « Je ne plaide pas pour [son] innocence mais on n’a pas de preuve de sa culpabilité. On a des intuitions, des impressions ».
Dans ce dossier aux multiples rebondissements, la justice a trébuché, emprunté des voies sans issue, fait machine arrière.
C’est d’abord un apprenti cuisinier de 16 ans au moment des faits, Patrick Dils, qui est condamné en 1989. Bien plus tard, il est établi que Francis Heaulme était sur place, ce soir d’automne 1986 : la justice rouvre le dossier et innocente le jeune homme alors qu’il a 31 ans.
81 témoins à entendre
Le tueur en série bénéficie d’abord d’un non-lieu, puis est renvoyé une première fois aux assises. Au deuxième jour d’audience, en 2014, le nom d’un autre homme revient dans la procédure, Henri Leclaire, déjà soupçonné dans les années 1980.
Le procès est annulé, l’instruction rouverte, mais début 2017, la justice tranche : faute d’éléments suffisants, cet ancien manutentionnaire doit être mis hors de cause.
Finalement, c’est à nouveau Francis Heaulme qui est renvoyé dans le box des accusés. Aujourd’hui, à 59 ans, il « n’accepte pas qu’on dise qu’il a tué les enfants de Montigny », résume Me Liliane Glock, l’une de ses avocates.
L’acquittement de Patrick Dils, s’il « n’est pas du tout question de [le] remettre en cause », n’est pas « la démonstration de son innocence, mais la consécration d’un doute », affirme un autre avocat de la défense, Me Alexandre Bouthier. Un doute qui doit aussi « profiter » à Francis Heaulme, ajoute-t-il.
Le procès devant la cour d’assises des Yvelines durera 14 jours, au cours duquel 81 témoins seront entendus, avec un verdict attendu le 21 décembre.
LQ/AFP