Une vingtaine d’associations et syndicats ont annoncé jeudi saisir le Conseil d’État contre le très controversé fichier des mineurs isolés étrangers, qu’elles accusent de servir la lutte contre l’immigration irrégulière au détriment de la protection de l’enfance.
Ces 19 requérants, emmenés par l’Unicef, ont annoncé déposer un référé contre le décret du 31 janvier créant ce fichier biométrique, ainsi qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre l’article de la loi Asile-Immigration introduisant cette disposition.
L’objectif est d »‘obtenir rapidement la suspension de ce texte et à terme, son annulation », expliquent dans un communiqué ces associations, parmi lesquelles l’Armée du salut, Médecins du monde, la Cimade et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS, qui revendique 850 associations).
Ce fichier vise à compiler les évaluations de l’âge des mineurs non accompagnés (MNA) réalisées dans divers départements, pour constituer une banque de données unique.
Pour les associations, il porte « gravement atteinte aux droits de l’enfant » en organisant un « fichage de mineurs à d’autres fins que celles liées à leur protection » et en permettant aux préfectures « d’éloigner des jeunes sans que le juge des enfants ait pu statuer sur leur situation », explique le communiqué.
«On fait entrer le loup dans la bergerie»
Les départements, qui sont chargés en France de la protection de l’enfance, pourront en effet désormais envoyer les mineurs en préfecture pour que leurs empreintes soient prises et leur identité relevée. Les personnes évaluées majeures verront leurs données reversées au fichier des étrangers majeurs, qui sont expulsables s’ils se trouvent en situation irrégulière.
« On a un peu l’impression qu’avec ce décret, on fait entrer le loup dans la bergerie, c’est-à-dire le préfet au cœur de la protection de l’enfance », a affirmé l’avocat des plaignants, Me Patrice Spinosi.
Pour justifier l’urgence de leur démarche, les plaignants font valoir que le décret a déjà donné lieu à des « expérimentations » dans quatre départements avant sa généralisation « imminente » prévue pour avril.
Les plaignants soulignent aussi dans leur QPC que les garanties constitutionnelles sur les données personnelles compilées « doivent être protégées avec plus de rigueur encore » du fait qu’elles concernent des enfants.
Le nombre de mineurs non accompagnés a triplé en deux ans pour s’établir à 40000 pris en charge fin 2018, selon l’assemblée des départements de France (ADF).
AFP