A la fois « jeune » – 57 ans – et impliqué ces dernières années dans la lutte contre la pédophilie : les évêques ont élu Eric de Moulins-Beaufort, évêque de Reims pour conduire et reformer l’Église catholique de France en plein désarroi.
Son élection, pour un mandat de trois ans, a eu lieu mercredi à Lourdes où la grosse centaine d’évêques est rassemblée à huis clos pour sa session de printemps, depuis mardi et jusqu’à vendredi. Si le président de la CEF n’est pas le chef de l’Église catholique en France – chaque évêque étant maître dans son diocèse sous l’autorité du pape – il incarne toutefois la première confession de France auprès des autorités et de la population.
Et la tâche qui l’attend ne sera pas simple à un moment où fidèles et membres du clergé expriment colère et désarroi après l’accumulation de révélation d’affaires de pédocriminalité à travers le monde ces derniers mois. Le refus par le pape François d’accepter la démission du cardinal Philippe Barbarin, condamné à six mois de prison avec sursis pour non dénonciation des agressions sexuelles d’un prêtre, a aussi suscité en France beaucoup d’incompréhension.
« Nous vivions dans l’illusion »
Sur ce sujet, Eric de Moulins-Beaufort, qui est arrivé à Reims à l’automne dernier, s’est impliqué ces dernières années. En 2016, au moment des premières actions en justice de l’association La Parole Libérée à l’encontre du cardinal Barbarin, il a créé, en tant qu’évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Paris, une commission pour prévenir les agressions sexuelles. Puis a ensuite coordonné la lutte contre la pédophilie au sein du diocèse. Celui qui était aussi vicaire général a aussi mené, à cette époque-là, des auditions de personnes accusant le prêtre et « psychanalyste » Tony Anatrella d’agressions sexuelles.
« Nous vivions auparavant dans l’illusion. Nous en sommes sortis. Il faut maintenant (…) aller jusqu’au bout du travail », disait-il en octobre au sujet de la la lutte contre la pédophilie, dans une interview au journal du diocèse de Paris. Dans un article pour une revue théologique, il plaidait pour que l’Église parle d’une seule voix et pour un travail de toutes les institutions.
Né en 1962, « EMB » est diplômé en économie et de Science-Po. Il a suivi le séminaire français de Rome (1990-1992), a été directeur au séminaire de Paris et enseignant, notamment à la Faculté de théologie Notre-Dame. « Jeune, autant qu’un évêque peut l’être; conscient des enjeux; à l’écoute », a tweeté Erwan Le Morhedec, blogueur catholique et chroniqueur à l’hebdomadaire catholique La Vie, au sujet de ce prêtre fils d’officier, qui dit avoir découvert sa vocation à l’âge de 11 ans.
« Classique, mais pas réactionnaire »
Ordonné diacre en 1990 puis prêtre l’année suivante, ce prélat a été marqué par la figure de l’ex-archevêque de Paris Jean-Marie Lustiger, puis celle de Mgr André Vingt-Trois dont il a été le secrétaire particulier, de 2005 à 2008. Auparavant, il avait été curé de la paroisse Saint-Paul-Saint-Louis à Paris pendant cinq ans. Son entourage loue « un esprit brillant, fin, et une patience infinie », un « sens de l’écoute » et une grande capacité de travail.
Cet homme de grande taille, qui court, nage, se déplace à vélo électrique, peut donner à première vue une image de raideur, mais cache un humour « très british », selon des proches l’ayant côtoyé à Paris. « Bien formé », « intelligent », il est « conventionnel, classique, mais pas réactionnaire ». « Il fait partie de ceux qui regardent en face la gravité de la crise et veulent la traiter », estime Christine Peddotti, directrice de la rédaction de Témoignage chrétien.
« Ne pas hésiter à porter la parole sur la scène médiatique », dans un contexte « très difficile pour l’Église » sera la tâche du nouveau chef des évêques, affirmait l’historien et sociologue Philippe Portier peu avant l’élection. Un lourd dossier car « un certain nombre de catholiques se détournent de l’Église et remettent en cause les modes de fonctionnement de ses serviteurs ».
LQ/AFP