Entre 2009 et 2015, France Télévisions ne s’est pas assez réformé et a laissé sa situation financière se dégrader, rendant « impérative » une réduction plus rapide des charges, selon un rapport sévère lundi de la Cour des Comptes.
La Cour critique France Télévisions pratiquement sur tous les fronts : mauvaise gestion, réformes trop timides surtout dans le secteur de l’information et ses rédactions, salaires qui dérapent notamment chez les journalistes, chiffrages flous pour la chaîne d’info, achats peu contrôlés, pratiques parfois douteuses pour l’achat de programmes, absentéisme, retard dans le numérique…
Le groupe, présidé par Rémy Pflimlin de mi-2010 à mi-2015 puis par Delphine Ernotte, « n’a pas été en mesure de réduire significativement ses effectifs permanents et le recours à l’emploi non permanent n’est pas assez maîtrisé », estime la Cour – ce à quoi l’équipe Pflimlin répond qu’il s’agit surtout de CDD devenus permanents, à la demande expresse de l’Etat.
Doté de 2,5 milliards de fonds publics en 2015, France Télévisions a fait revenir son résultat net comptable à l’équilibre en 2015, mais son déficit d’exploitation reste de 30 millions. Fin 2016 la trésorerie sera négative de 34 millions, selon la Cour.
Faute de hausse des dotations publiques, la « seule issue » à cette « impasse financière » est « une réduction significative des charges » avec « des actions nettement plus vigoureuses que celles entreprises jusqu’à présent », recommande-t-elle.
Passés de 10.211 postes équivalent temps-plein en 2009 à 9.932 en 2015, les effectifs ont baissé de 2,7 % en six ans, quasi exclusivement sur les emplois non permanents (- 15,4%) alors que le nombre de permanents (-0,3%) est resté stable. Les effectifs de journalistes permanents ont même grimpé de 1,9%, déplore la Cour.
En outre, les rémunérations de base ont nettement augmenté entre 2013 et 2015, surtout pour les journalistes, depuis un accord collectif de 2013.
L’audience globale de France TV a baissé entre 2008 et 2015, davantage que celle du groupe TF1.
Le rapport dénonce également un retard dans le numérique, où la télévision de rattrapage de France TV a eu tendance à stagner sur internet.
Particulièrement visé, le secteur de l’information, qui employait plus de 2.700 journalistes en 2015, « est resté à l’écart des efforts de productivité » et « les effectifs et les coûts de grille sont en augmentation continue, pour des résultats contrastés en termes d’audiences », critique la Cour.
Et alors que l’information mobilise plus de 630 MEUR par an, elle ne fait l’objet d’aucun indicateur de performance. Idem pour le sport (plus de 190 MEUR par an).
Le projet d’une rédaction nationale unique entre France 2 et France 3 doit être mis en oeuvre rapidement, avec la suppression des bureaux régionaux de France 2.
La Cour veut aussi « réduire les coûts et rationaliser » le réseau régional de France 3, « qui apparaît coûteux au regard des deux à trois heures quotidiennes de décrochages régionaux qu’il produit ». Elle suggère « un rapprochement entre le réseau France Bleu de Radio France et le réseau régional de France 3 », notant la « baisse des audiences de l’information sur France 3 ».
Le coût « réel et complet » de la nouvelle chaîne franceinfo lancée début septembre « devrait être rapidement évalué et publié », et non pas seulement le « surcoût » communiqué jusqu’à présent, estime-t-elle.
Quant aux achats de programmes (912 millions d’euros en 2015), la Cour demande « des décisions plus collégiales et transparentes, et le respect des règles strictes de déontologie en vue de mettre fin à certaines pratiques critiquables ».
La Cour a relevé « plusieurs cas où des membres de la famille d’un responsable de programme interviennent dans la réalisation d’une production commandée par celui-ci » ou encore « un ancien président qui renoue des relations contractuelles avec France Télévisions sans que le conseil d’administration en soit informé ».
Elle demande enfin à l’Etat de « consolider la trajectoire de ses recettes (redevance, publicité et valorisation des droits sur les contenus) ».
En réponse au rapport, Rémy Pflimlin a souligné avoir réussi à « sécuriser les droits des grandes compétitions sportives (JO jusqu’en 2020, notamment), déployer la télévision de rattrapage (Pluzz) » et contenu les pertes, malgré une baisse de 350 MEUR des ressources en 2015 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens signé en 2011.
Le Quotidien / AFP