Le climat de la campagne s’est envenimé avec les accusations lancées par François Fillon contre un supposé «cabinet noir» à l’Elysée, qui lui a attiré une très vive riposte de François Hollande, tandis que les autres candidats se désolent d’un débat à nouveau occulté par les affaires.
«Je ne veux pas rentrer dans le débat électoral, je ne suis pas candidat, mais il y a une dignité, une responsabilité à respecter. Je pense que François Fillon est au-delà maintenant, ou en deçà», a déclaré le chef de l’Etat à l’antenne de franceinfo et France Bleu vendredi. Le candidat de la droite devrait avoir l’occasion de répliquer vendredi soir, lors d’une réunion publique prévue à Biarritz. François Hollande avait dénoncé dès jeudi soir les accusations «mensongères» du candidat de la droite. Vendredi, le président a de nouveau nié, non sans une pointe d’humour, l’existence d’un «cabinet noir» à l’Elysée.
«Ecoutez, il y a un cabinet heureusement, qui travaille, mais nous n’avons pas à nous mêler des affaires et vous savez ma position, ça a toujours été l’indépendance de la justice, le respect de la présomption d’innocence et ne jamais interférer», a répondu le chef de l’Etat. Avec une petite pique en prime: «Je crois que c’est très différent de mes prédécesseurs.» «Tout est clair ici, et ce qui n’est pas clair c’est ce que François Fillon doit justifier auprès de la justice», a encore déclaré François Hollande. A l’occasion de son passage à «L’Emission politique» de France 2, François Fillon, mis en examen notamment pour détournement de fonds publics et recel et complicité d’abus de biens sociaux, a accusé jeudi soir M. Hollande d’organiser, à la tête d’un «cabinet noir», les fuites dans la presse sur ses affaires judiciaires.
Le candidat a dit s’appuyer pour ses accusations sur un ouvrage écrit par trois journalistes («Bienvenue Place Beauvau, Police: les secrets inavouables d’un quinquennat»), dont Valeurs actuelles a publié plusieurs extraits. Mais l’un des auteurs, Didier Hassoux, a démenti les propos de François Fillon et dénoncé une instrumentalisation de son livre par un homme «aux abois» qui «essaye de faire un coup».
Même démenti du ministre des Finances Michel Sapin sur une utilisation politique des informations du service de renseignement financier Tracfin, chargé de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. «Jamais Tracfin ne communique ni à Christian Eckert (secrétaire d’Etat au Budget, ndlr) ni à moi-même, ni à toute autre autorité publique des informations sur la situation des personnes», a-t-il martelé.
« Ras-le-bol de ces affaires »
Le candidat socialiste Benoît Hamon, qui a confié ne pas avoir regardé l’émission, a pour sa part estimé qu’«il est bon que François Fillon découvre ce qu’est la justice ordinaire». «Il n’est pas victime de quoi que ce soit. Il est aujourd’hui l’objet de procédures et de procédures qui sont normales dans un Etat de droit», a-t-il affirmé. Pour le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui soutient désormais Emmanuel Macron, c’est une «manœuvre désespérée» du candidat LR.
Au FN, dont la candidate Marine Le Pen est aussi inquiétée par une affaire d’emploi supposé fictif d’assistants parlementaires européens, on ne se prive pas, comme encore le secrétaire général Nicolas Bay vendredi, de dénoncer «une instrumentalisation de l’institution judiciaire». «Marine Le Pen a eu une attitude respectueuse des institutions, de la séparation des pouvoirs, en disant qu’il n’y a pas à avoir des juges et des policiers qui font une irruption dans la campagne avec un spectacle médiatique incessant visant à priver les Français d’un débat fondamental», a-t-il fait valoir sur Radio Classique.
Danielle Simonnet, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, a exprimé son «ras-le-bol». «Ras-le-bol de ces affaires qui polluent complètement le débat de l’élection présidentielle et qui montrent à quel point notre monarchie présidentielle est pourrie par ces logiques affairistes et de corruption». «Je pense que c’est une combine, une méthode» de François Fillon, qui est dans une «nasse», a estimé pour sa part Cécile Duflot, ex-ministre EELV. «Comme il est coincé, il invente, un peu façon Trump ou façon d’autres, une énormité encore plus grosse.»
Le Quotidien/AFP