C’est la fin d’un faux suspense de plusieurs semaines: l’ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron a annoncé mercredi à Bobigny sa candidature à l’élection présidentielle, contre « le système » pour promouvoir une « révolution démocratique ».
Dans une déclaration solennelle d’une quinzaine de minutes, M. Macron, 38 ans, a souligné « l’opportunité » offerte par l’élection présidentielle « pour choisir d’avancer ».
« Ce combat que nous devons livrer, pour faire réussir notre pays, il commencera en mai 2017 », a-t-il poursuivi. « Pour le mener, la responsabilité du président de la République est immense et j’en suis pleinement conscient (…) C’est pourquoi je suis candidat à la présidence de la République. »
Le fondateur d’En marche!, qui a toujours revendiqué son anticonformisme et sa liberté jusqu’à sortir avec fracas du gouvernement fin août, avait choisi un décor déroutant pour se lancer: un atelier mécanique d’un centre de formation. Une symbolique forte pour celui qui a encore martelé « refuser » le système, en-dehors de la logique des partis.
Contre la fatalité d’une France « bloquée par les corporatismes de tous ordres », « en déclin », persuadée que « le pire est à venir », l’ancien banquier d’affaires s’est dit « convaincu que notre pays a la force, le ressort, l’envie d’avancer. »
« Nous sommes entrés dans une ère nouvelle: la mondialisation, le numérique, le changement climatique, les inégalités croissantes, les conflits géopolitiques, le terrorisme, la crise démocratique des sociétés occidentales, le doute qui s’installe au coeur de nos sociétés », a-t-il égrené. « Ce sont les symptômes d’un monde en plein bouleversement. Cette grande transformation que sommes en train de vivre, nous ne pouvons y répondre avec les mêmes hommes et les mêmes idées, parce qu’elle vient encore décupler nos faiblesses ».
En réaction, M. Macron, sous les yeux de son épouse Brigitte, a dit vouloir « une France qui croit en ses chances, qui risque, qui espère (…) une France entreprenante où chacun choisit sa vie. Et une France qui considère les plus faibles. »
Affirmant placer sa candidature « sous le signe de l’espérance », M. Macron, un brin grandiloquent, « en appelle aujourd’hui à toutes les femmes et les hommes de bonne volonté, à toutes celles et eux qui croient à la réconciliation de la liberté et du progrès, à toutes celles et ceux qui ne veulent pas guetter dans la pénombre lueur d’espérance mais veulent l’incarner ».
Désormais lancé, M. Macron, dont le mouvement revendique quelque 100.000 adhérents gratuits, fait face au plus dur.
Dans les prochains mois, il devra partir à la chasse aux 500 parrainages requis et intensifier sa recherche de dons, alors qu’il a récolté pour l’heure 2,8 millions d’euros, loin des 9 millions visés.
Et s’il n’a pas fixé comme enjeu de « rassembler la gauche » ou « rassembler la droite », mais plutôt de « rassembler les Français », il devra affronter le feu roulant des critiques. Celui-ci a sans surprise été nourri ces dernières heures, de tous côtés.
Il faut « une expérience qui a été éprouvée par le temps » pour gouverner et « refuser les aventures individuelles », a déclaré dans la foulée le Premier ministre Manuel Valls.
« L’enjeu (pour 2017), c’est le rassemblement, c’est la cohésion », la gauche ne pouvant pas être au « rendez-vous » de la présidentielle « si elle n’est pas rassemblée », avait prévenu mercredi soir François Hollande, qui doit dire d’ici un mois s’il brigue un nouveau mandat en dépit de ses mauvais sondages.
« C’est très embêtant », a constaté le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, redoutant une élimination de la gauche dès le premier tour si elle part fragmentée à la présidentielle.
A droite, le favori de la primaire Alain Juppé a invité à « ne pas être naïf » face à un candidat qui se présente en « chevalier blanc » alors qu’il « a totalement cautionné la politique économique menée depuis 2012 ».
De fait, le maire de Bordeaux a toutes les raisons de « se méfier » de M. Macron, déterminé à mordre sur son électorat.
Engagé dans la primaire organisée par le PS, Arnaud Montebourg dénigre « le candidat des médias », qui doit encore « démontrer qu’il a des propositions pour transformer le pays », quand Marine Le Pen y voit, elle, le « candidat des banques ».
Le Quotidien / AFP