Soixante coups de tournevis à la tête, épilogue d’une vie conjugale émaillée de viols et de sévices. Aux assises de Seine-Saint-Denis à Bobigny, un ouvrier portugais a été condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour avoir assassiné son ex-femme.
Une peine « sévère » mais « pas injustifiée », a commenté Me Pierre Audouin, l’avocat de l’ouvrier, Carlos Silva Domingues, 51 ans, qui n’envisage pas pour l’heure de faire appel.
L’avocate générale avait demandé à la cour de lui infliger 30 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de 15 ans.
Dans un réquisitoire implacable, l’avocate générale a rappelé comment Madeleine, une femme de ménage de 51 ans, avait été « massacrée » un matin de septembre 2014 dans le box de son parking à Neuilly-sur-Marne : « une scène de crime qui, si on la voyait dans un film hollywoodien, nous semblerait caricaturale, car trop violente ». « Assassinée car elle voulait mettre fin à une vie de violences », a résumé la magistrate à propos du meurtre de cette femme qui avait « trouvé le courage de dire stop » à l’emprise d’un mari violent, jusqu’à le faire condamner à trois ans de prison – dont la moitié avec sursis – en 2013 et divorcer début 2014.
« Elle à la morgue, lui aux assises »
Jeudi, l’avocate des parties civiles, Pauline Manesse, avait aussi souligné le caractère « à part » de cette victime qui était parvenue à maintes reprises à déposer plainte, malgré les représailles. « A son retour après sa première nuit de garde à vue, en 1996, son mari l’avait enchaînée au radiateur avant de la violer », a-t-elle raconté. Mais l’avocate générale a aussi dénoncé vendredi la « lâcheté » d’un homme « manipulateur », qui, une fois son crime perpétré, retourne se raser avant de partir bricoler chez un voisin. Et souligné la « préparation » de ce crime : le choix d’un jeudi – seul jour de la semaine où la mère de famille quittait son domicile à 6h du matin -, la tenue – un sweat à capuche relevée, des gants – , le tournevis. « On se dit que c’était écrit, que ça allait se finir comme ça : elle à la morgue, lui aux assises », a-t-elle enfin déclaré dans son réquisitoire.
Au fil du procès, qui a débuté mardi, amis et famille se sont succédé à la barre pour raconter les vingt-sept ans de terreur que cette femme solaire avait consigné dans un journal intime. Tous ont aussi tenu la glaçante et répétitive chronique d’un meurtre annoncé : « Carlos lui avait dit qu’il allait la tuer »; « elle savait qu’il allait lui arriver quelque chose ». Quand elle a appris qu’une femme était morte dans la résidence, son amie Marguerite a ainsi raconté avoir « immédiatement compris que c’était Madeleine ». Tout comme le fils aîné, Cristiano, 29 ans, qui a dit « avoir immédiatement su que le meurtrier était son père ».
« Un dinosaure mental »
Dans un texte écrit en 2010 sous l’égide d’un ami prêtre qui l’engage à se repentir, l’accusé décrit les coups et les viols, avant même le mariage. « Tu es allée porter plainte, tu as raison », écrit-il à l’adresse de celle qu’il appelle sa « bien-aimée » et qu’il reconnaît « avoir fait vivre dans une peur infernale ». Chemise blanche, lèvres serrées, l’homme de 51 ans a pleuré quand son avocat, Pierre Audouin, a évoqué son enfance misérable et décrit « un dinosaure mental » venu du Portugal « post-moyen âge » de Salazar. Il a aussi enjoint le jury à ne pas « réduire un homme à l’état de légume humain jusqu’à la fin de sa vie dans une de nos maisons centrales ». « Dans 30 ans, il aura 81 ans », a-t-il rappelé.
Pour son avocat, l’accusé devait être condamné pour meurtre et non pour assassinat car son geste n’était, selon lui, pas prémédité : « Il était dans une souricière, en voie de clochardisation. Il est allé la voir pour qu’elle le reprenne, elle l’a envoyé paître ».
Le Quotidien/AFP