Le sulfureux Patrick Balkany (UMP), mis en examen en octobre pour corruption passive et blanchiment de fraude fiscale, a perdu mercredi son immunité parlementaire, en vertu d’une décision à l’unanimité du bureau de l’Assemblée nationale.
Le député UMP Patrick Balkany le 17 septembre 2014 à l’Assemblée nationale (Photo : AFP)
La demande des juges Renaud van Ruymbeke et Patricia Simon qui avait été transmise à la plus haute instance collégiale de l’Assemblée est destinée à imposer un contrôle judiciaire au député-maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), notamment pour qu’il leur remette son passeport et ne puisse pas quitter le territoire français, selon une source proche du dossier. Ce contrôle judiciaire va donc pouvoir intervenir rapidement.
Toute mesure privative de liberté (garde à vue, détention provisoire, contrôle judiciaire) à l’encontre d’un parlementaire doit recevoir l’aval de l’Assemblée dont il est membre, sauf en cas de crime, flagrant délit ou condamnation définitive. Les juges soupçonnent Patrick Balkany ainsi que sa femme Isabelle d’être les véritables propriétaires, à l’insu du fisc, de deux villas où ils résident régulièrement, à Saint-Martin (Antilles) et à Marrakech.
Pour la villa de Marrakech, les enquêteurs soupçonnent le couple de s’être dissimulé derrière des sociétés off-shore et d’avoir utilisé comme prête-nom l’un de leur proches, Jean-Pierre Aubry, ancien directeur général de la société d’économie mixte d’aménagement de Levallois-Perret. Dans le cadre de cette affaire, les deux magistrats ont aussi mis en examen Isabelle Balkany et Jean-Pierre Aubry pour blanchiment de fraude fiscale. La première adjointe de Levallois s’était également vu imposer une caution d’un million d’euros.
Amis intimes du président de l’UMP Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany et son épouse Isabelle règnent ensemble de manière quasi-immuable depuis 30 ans à Levallois-Perret en dépit de leurs ennuis judiciaires ou de leurs frasques médiatiques. Aux dernières municipales il y a un an, M. Balkany, 66 ans, a été ainsi réélu au premier tour avec sa femme comme première adjointe.
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Le bureau de l’Assemblée, où la gauche est majoritaire comme dans l’hémicycle, avait pour seul rôle de se prononcer sur le « caractère sérieux, loyal et sincère de la demande » de levée. Il a pris sa décision très rapidement, en moins de 30 minutes. « Une bonne chose ! » s’est félicité le député PS Olivier Dussopt sur twitter. C’est la troisième fois sous cette mandature que le bureau était ainsi saisi. En avril 2014, il avait rejeté par douze voix contre huit la demande de levée de l’immunité de l’ancien maire UMP de Cannes (Alpes-Maritimes) Bernard Brochand, qu’un juge souhaitait placer en garde à vue dans des dossiers de corruption présumée, l’estimant insuffisamment étayée.
Le 15 janvier, il avait en revanche levé, à sa demande, l’immunité du député UMP d’Indre-et-Loire Philippe Briand, ancien trésorier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy mis en cause dans l’affaire Bygmalion. Mardi, une délégation de ce bureau, chargée d’instruire le dossier, avait entendu Patrick Balkany, qui a également écrit au président de l’Assemblée Claude Bartolone pour faire valoir son point de vue.
Si le bureau n’avait pas pris une décision unanime, M. Bartolone avait indiqué que le vote aurait eu lieu à main levée, comme c’est l’usage à l’Assemblée, selon son entourage. Les députés n’entendaient en effet pas subir l’opprobre des sénateurs, qui avaient il y a un an rejeté dans un premier temps par un vote à bulletin secret la levée d’immunité de l’UMP Serge Dassault demandée dans le cadre d’une enquête sur des achats présumés de voix à Corbeil-Essonnes.
Face à l’indignation provoquée par ce vote, le bureau du Sénat avait fini par lever cette immunité à la demande de Serge Dassault lui-même. Coïncidence, le bureau du Sénat a levé l’immunité parlementaire du sénateur UDI Aymeri de Montesquiou dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de commissions en marge de contrats conclus avec le Kazakhstan. Au centre de cette affaire figurent des contrats conclus sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour un montant total de deux milliards d’euros, notamment pour l’achat de 45 hélicoptères fabriqués par Eurocopter (devenu Airbus Helicopters) et 295 locomotives.
AFP