Poursuivie par l’homme qu’elle avait accusé nommément sur Twitter, la journaliste française Sandra Muller, qui avait créé le mot-clé français #balancetonporc, devenu viral dans le sillage du scandale Weinstein en 2017, est jugée pour diffamation mercredi à Paris.
Le 13 octobre 2017, la journaliste de la Lettre de l’audiovisuel tweetait le message suivant: « #balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlent (sic) sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends ». Message suivi quatre heures plus tard par un second tweet : « Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. Eric Brion ex patron de Équidia #balancetonporc ».
La parole de milliers de femmes dénonçant harcèlement ou agressions sexuelles s’était libérée sous ce hashtag, rapidement devenu viral, lancé dans le sillage de son équivalent en anglais #Metoo (#MoiAussi) initié par l’actrice Alyssa Milano. Le tweet nommant Eric Brion avait été rediffusé plus de 2 500 fois.
Eric Brion, consultant et ancien directeur général de la chaîne de télévision Équidia, avait attaqué Sandra Muller en diffamation, réclamant 50 000 euros de dommages et intérêts, 15 000 euros de frais de justice, la suppression du tweet divulguant son nom et des publications judiciaires. Tous deux devraient être présents mercredi après-midi devant la 17ème chambre civile du tribunal de Paris. Sandra Muller n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience.
« Des propos déplacés », selon lui
Dans un communiqué posté en janvier 2018 sur sa page Facebook, la journaliste basée aux États-Unis dénonçait des poursuites engagées « contre toute décence » par Eric Brion. « Voilà quelqu’un qui a reconnu dans un premier temps qu’il a eu une conduite non convenable, qui s’en est excusé, et qui brusquement décide d’attaquer en justice », a commenté l’un de ses avocats, Francis Szpiner.
De son côté, Eric Brion dénonce l’enchaînement des deux tweets le présentant « comme un prédateur sexuel », affirme Nicolas Bénoit, qui le défend avec Marie Burguburu. « C’est de la délation. A aucun moment il n’a la possibilité de se défendre, il est cloué au pilori », ajoute l’avocat. « Il a été détruit, c’est la victime expiatoire ». En décembre 2017, dans le journal Le Monde, Eric Brion avait dit « réitérer ses excuses » à Sandra Muller, reconnaissant avoir « tenu des propos déplacés » à son encontre « lors d’un cocktail arrosé très tard dans une soirée » – tous deux ne travaillant pas ensemble. Il affirmait néanmoins refuser « l’amalgame » entre son « comportement et l’affaire concernant Harvey Weinstein, accusé de viols et de harcèlement sexuel par plusieurs femmes ».
Sandra Muller fait partie des « briseuses de silence » désignées par le magazine Time comme « Personnalités de l’année » 2017.
LQ/AFP