Le gouvernement a lancé lundi un appel au «calme» face aux incidents qui se sont enchaînés depuis plus d’une semaine en banlieue parisienne dans le sillage de l’affaire Théo, ce jeune homme victime d’un viol présumé lors d’une interpellation.
«J’appelle au calme», «à la responsabilité, à la sérénité, à la confiance dans la justice», a lancé le ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux. Il a condamné dans le même temps les violences de ce week-end à Bobigny, où une manifestation en soutien au jeune homme a dégénéré en multiples dégradations, et à Argenteuil (Val-d’Oise). «L’émotion légitime» suscitée par l’affaire Théo «ne saurait en rien justifier» ces «violences inacceptables», a affirmé de son côté le Premier ministre Bernard Cazeneuve. Il recevait à Matignon des associations, dont SOS Racisme, la Licra et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), alors que les incidents ont remis les banlieues dans le débat à deux mois de l’élection présidentielle.
Dimanche, pour la première fois depuis la brutale interpellation le 2 février de Théo, un jeune homme noir de 22 ans qui dit avoir été violé par un policier avec une matraque, des violences urbaines ont été rapportées en dehors de Seine-Saint-Denis. A Argenteuil (Val-d’Oise), onze personnes, dont huit mineurs, ont été interpellées dimanche en fin de journée après des heurts avec les forces de l’ordre, l’incendie d’un véhicule et le caillassage d’un bus.
Aux Ulis (Essonne), une patrouille de police a dû se réfugier dans le commissariat après avoir essuyé des jets de pierre et de bouteilles. En Seine-Saint-Denis, dix jeunes, tous mineurs, ont été interpellés à Drancy. Des heurts ont aussi été signalés dans d’autres départements de région parisienne, notamment dans les Yvelines où quatre véhicules ont été incendiés.
«Pourrie par des casseurs»
La manifestation organisée samedi à Bobigny pour réclamer «justice pour Théo» reste au coeur des débats. Trente-sept personnes ont été interpellées dans les heures qui ont suivi. Deux personnes doivent être jugées en comparution immédiate pour ces faits lundi à Bobigny, et deux autres pour d’autres violences récentes. S’étonnant du «silence» du ministre de l’Intérieur durant le week-end, le candidat de la droite à la présidentielle François Fillon a mis en cause dimanche «la responsabilité du gouvernement» et estimé que la manifestation de Bobigny n’aurait pas dû être autorisée.
«Non, c’était une manifestation dont les organisateurs voulaient qu’elle soit pacifique et qui a été pourrie par des groupes de casseurs», a répliqué lundi Bruno Le Roux. La candidate du FN Marine Le Pen avait jugé que ces incidents étaient «la conséquence du laxisme qui diffuse dans la société française, qui est la responsabilité des politiques qui nous ont gouvernés pendant des années». Une déclaration dénoncée lundi par le candidat PS Benoît Hamon, qui a accusé Mme Le Pen de «jeter de l’huile sur le feu». «Une fois encore, elle provoque le désordre, elle encourage les violences par son discours de haine et ses indignations sélectives», a-t-il jugé.
Pour rassurer les habitants des banlieues, le Premier ministre a insisté sur la volonté du gouvernement de «lutter contre les discriminations et apaiser les échanges». Il compte notamment sur le dispositif de «caméra-piéton» -accrochée sur le torse de l’agent en patrouille- expérimenté au sein de la police et de la gendarmerie. Moins de douze ans après les émeutes urbaines de 2005, il est urgent de calmer le jeu pour le candidat EELV Yannick Jadot: «il y a un risque d’embrasement parce que ça fait des années et des années qu’on ne traite pas la question des quartiers populaires».
La couverture des heurts récents est également un défi pour les médias. RTL a porté plainte pour l’incendie d’un de ses véhicules lors des incidents de Bobigny et BFM Paris va faire de même après l’agression d’un journaliste à Argenteuil.
Le Quotidien/AFP