Le nouveau président de la Fifa pourra-t-il construire sur un champ de ruines? Voilà l’enjeu du scrutin qui départagera vendredi à Zurich Gianni Infantino et le Cheikh Salman, les deux favoris pour succéder à Sepp Blatter, dont le règne s’est achevé par la pire crise de l’instance née en 1904.
La question n’est plus tant de savoir qui de Infantino, juriste Italo-Suisse de 45 ans, N.2 de l’UEFA, ou le Cheikh Salman, Bahreïni de 50 ans, patron de la Confédération asiatique, l’emportera. Mais de savoir si la Fifa se relèvera. Depuis neuf mois, l’instance suprême du ballon rond vit au rythme des scandales de corruption à échelle planétaire, des vagues d’arrestations et autres rebondissements des enquêtes menées par les Etats-Unis et par la Suisse.
Le nouveau patron de la Fifa pourra-t-il prononcer le mot football sans que celui-ci renvoie à la rubrique justice des journaux? Les suspicions qui planent sur l’attribution des récents Mondiaux, notamment celui que le Qatar doit organiser en 2022, seront-elles un jour levées?
Le Sud-Africain Tokyo Sexwale, un des cinq candidats, dont les chances sont quasi nulles, résume la situation: «Nous sommes ici pour la Fifa, une maison endommagée qui doit être réparée.» Le Prince jordanien Ali, autre prétendant mineur, a lui aussi livré une bonne synthèse: «Il faut restaurer la confiance envers la Fifa.» Le cinquième candidat est le Français Jérôme Champagne, dont les chances semblent également inexistantes.
Le nouveau président sera élu par les 209 fédérations membres de la Fifa, qui disposent chacune d’une voix (voire 207 si l’Indonésie et le Koweït, suspendus, sont privés de vote, ce qui sera tranché vendredi matin). Le scrutin devrait débuter vers 14h00.
Pots de vin
Restaurer la confiance et l’image d’une institution en perdition: c’est le plus gros chantier auquel sera confronté l’homme qui prendra place dans le siège occupé pendant 17 ans par Blatter, jusqu’au 2 juin 2015, jour où le Suisse avait jeté l’éponge.
Blatter, tout juste réélu le 29 mai pour un 5e mandat à 79 ans (il fêtera ses 80 ans le 10 mars), n’avait plus le choix. La pression était devenue intolérable depuis le 27 mai et le tremblement de terre provoqué par l’arrestation de sept hauts responsables du football mondial, accusés d’avoir reçu des millions de dollars de pots de vin, au petit matin dans un luxueux hôtel de Zurich.
Depuis cette date, les arrestations, extraditions, procédures pénales en tout genre se sont succédé. A un rythme infernal. Grand public et sponsors ont manifesté à maintes reprises leur dégoût devant la corruption d’une ampleur «inconcevable» dénoncée par la ministre américaine de la Justice, Loretta Lynch.
Mme Lynch sera sans doute une spectatrice attentive de l’élection vendredi à Zurich. L’analyse de tous les observateurs a été confirmée par une enquête réalisée par l’AFP auprès des fédérations votantes: Infantino et Salman font largement la course en tête. Les trois autres candidats sont condamnés à être figurants.
Platini soutient Infantino
Décrié par les organisations de défense des Droits de l’Homme, le Cheikh Salman peut l’emporter s’il bénéficie du soutien annoncé de l’Afrique. Mais rien n’est écrit. «La Fifa est à un croisement», a estimé Infantino jeudi dans une lettre aux 209 fédérations votantes. Pour la première fois de la campagne, il a reçu officiellement le soutien de Michel Platini: «On a travaillé neuf ans ensemble. C’est un bosseur. J’ai confiance en lui», déclare le Français dans un entretien à paraître vendredi dans L’Equipe.
Platini était le grand favori quand il s’est présenté le 29 juillet. Mais depuis, le président de l’UEFA a été mis hors jeu par l’affaire du paiement controversé de 1,8 M EUR versé sur la base d’un contrat oral en 2011 par Blatter pour un travail de conseiller achevé en 2002.
Suspendu huit ans le 21 décembre par la justice interne de la Fifa, tout comme Blatter, Platini s’est retiré de la course à l’élection et Infantino a été choisi par l’Europe comme son candidat de substitution. La chambre d’appel de la Fifa a réduit mercredi à six ans la peine de Blatter et Platini, qui se sont tournés en dernier recours vers le Tribunal arbitral du sport (TAS), plus haute juridiction sportive.
AFP