Accueil | Actualités | Fifa : pour Gianni Infantino, le plus dur commence

Fifa : pour Gianni Infantino, le plus dur commence


Le nouveau président de la Fifa, Gianni Infantino réagit à son élection, vendredi à Zurich. (photo AFP)

Une nouvelle présidence s’ouvre à la Fifa, mais est-ce vraiment le début d’une nouvelle ère ? Après l’élection de Gianni Infantino, vendredi, une question reste brûlante : un patron tout neuf et l’adoption de réformes porteuses d’espoir suffiront-ils à changer l’institution, mise à bas par les scandales de corruption ?

La tâche est immense pour Infantino (45 ans), ex-bras droit de Michel Platini à l’UEFA: redonner confiance aux sponsors et aux fans malgré le séisme qui ébranle la Fifa, cernée par la justice et confrontée à une baisse de ses revenus.

Pour relever ce défi, l’Italo-Suisse, élu par 115 voix sur 207, était le candidat dont le profil offrait le moins de risques. L’autre favori, le Cheikh Salman, est mis en cause par des ONG de défense des Droits de l’Homme pour son rôle présumé dans la répression du soulèvement démocratique au Bahreïn en 2011. Même s’il a toujours vigoureusement démenti ces accusations, son élection aurait été dévastatrice pour la Fifa en termes d’image.

« Infantino est de loin le meilleur choix pour diriger la Fifa », analyse Patrick Nally, spécialiste du marketing sportif à l’origine en 1975 du premier contrat de partenariat entre la Fifa et Coca-Cola. « Il doit maintenant rassembler tous les partenaires extérieurs, supporteurs, sponsors, diffuseurs, gouvernements et les assurer que la Fifa est désormais une institution transparente », poursuit M. Nally.

FBL-FIFA-CORRUPTION-VOTE-PRESSER

Infantino a promis d’attirer à la Fifa des « voix indépendantes et respectées ». (photo AFP)

Pour cela, le nouveau patron du foot mondial pourra s’appuyer sur le train de réformes adoptées vendredi. Elles visent à améliorer la gouvernance de l’institution et à rompre avec l’omnipotence du prédécesseur d’Infantino, Joseph Blatter, forcé à la démission à cause du scandale au bout de 17 ans de règne.

« Culture de corruption »

Parmi ces réformes, la limitation à 12 ans maximum du mandat du président et des hauts dirigeants, la publication de leurs revenus et la séparation des activités politiques et économiques de la Fifa pour éviter les conflits d’intérêt. « Des réformes de fond ont été adoptées. Nous allons travailler sans relâche pour faire en sorte que la réputation de la Fifa redevienne ce qu’elle mérite d’être », a juré Infantino vendredi.

Mais même si elles « sont un très bon début » comme le souligne Patrick Nally, ces mesures restent à mettre en oeuvre.

« Les réformes sont absolument nécessaires mais pas suffisantes. Il faut changer la culture de la Fifa », assure Mark Pieth, professeur de droit pénal à l’Université de Bâle et fin connaisseur du fonctionnement de l’instance (il était à la tête de la première commission de réformes créée en 2011).

Un jugement sans concession que partage le consultant américain Jeff Thinnes, spécialisé dans les questions d’éthique et de bonne gouvernance des grosses organisations: « La culture de la Fifa est une culture de corruption via les fédérations nationales (qui la composent, ndlr). Il faudra donc un gros effort pour traduire dans les faits des réformes adoptées sur le papier. » Et M. Thinnes de préconiser la création d’un comité de surveillance formé de personnalités extérieures au-dessus de tout soupçon (comme le proposait d’ailleurs l’un des candidats, le prince Ali).

C’est exactement ce que réclame Visa, sponsor de la Fifa depuis 2007 et qui a renouvelé son partenariat jusqu’à la Coupe du monde au Qatar en 2022. Le géant américain du paiement électronique a demandé vendredi dans un communiqué la mise en place « d’une supervision indépendante et à long terme des réformes ». L’entreprise avait vivement réclamé dès octobre dernier le départ de Sepp Blatter.

Pression des sponsors

Autre partenaire historique, l’équipementier Adidas « attend de la Fifa et sa nouvelle direction plus de transparence dans la conformité aux normes, lesquelles doivent être ensuite appliquées ».

Infantino, lui, a promis d’attirer à la Fifa des « voix indépendantes et respectées », sans plus de détails. Car il sait que regagner le coeur des sponsors sera vital et souhaite en priorité « s’adresser aux partenaires commerciaux et diffuseurs qui doivent retrouver confiance ».

Multinationale du football, avec un Mondial qui génère près de 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires tous les quatre ans et 1,5 milliard de réserves sur son compte en banque, la Fifa a connu une annus horribilis qui a engendré d’énormes surcoûts.

Elle est « en retard de 550 millions de dollars » (500 M EUR) sur ses objectifs financiers d’ici à 2018, a annoncé vendredi le secrétaire général par intérim Markus Kattner.

La Fifa devrait même enregistrer en 2015 des pertes un peu supérieures à 100 millions de dollars, selon une source proche.

Dans le même temps, Infantino a en partie remporté l’élection sur sa promesse très « blattérienne » d’accroître massivement les aides aux fédérations et de leur reverser 25% des revenus de la Fifa (1,25 milliard), tout en essayant de « réduire les coûts partout où ce sera possible ».

Le controversé Blatter a du reste pris un malin plaisir à transmettre le flambeau à son cadet, né comme lui dans la province suisse du Valais: « Il apporte toutes les qualités avec lui pour poursuivre mon travail », a assuré le patriarche désormais retraité. Une formule piquante quand on sait que tourner la page des années Blatter est le principal défi d’Infantino.

Le Quotidien / AFP