La ministre de la Justice, interrogée vendredi sur la mort d’une femme de 40 ans dont le mari a été mis en examen en Alsace, a estimé que le système ne « fonctionnait pas » pour protéger les femmes.
« Je ne suis pas en train de dire que nous n’avons rien fait », a expliqué Nicole Belloubet sur LCI, « je ne suis pas en train de dire que les magistrats ont failli, je dis simplement que collectivement notre système ne fonctionne pas pour protéger ces femmes, et que c’est un drame ». Dimanche soir, une femme de 40 ans blessée mortellement à coups de couteau est décédée, sous les yeux de sa fille. La victime avait déjà porté plainte, le juge avait été saisi, et le compagnon, depuis mis en examen et écroué – était convoqué le 10 décembre par la justice.
Nicole Belloubet a reconnu une « faille » dans les dispositifs de protection. « Les policiers et les gendarmes ne travaillent pas assez rapidement avec la justice », a-t-elle avancé, « et nous ne travaillons pas suffisamment avec les associations ». « C’est un sujet grave car elles sont aujourd’hui plus de 130 à avoir succombé sous les coups de leur conjoint depuis le début de l’année », a par ailleurs déclaré la ministre à la Cour de cassation, à l’occasion d’un colloque sur la lutte contre les violences conjugales co-organisé par l’École nationale de la magistrature. « Et en dix ans, nous avons recensé près de 1 500 femmes qui ont ainsi péri, victimes de leurs conjoints et parfois de nos propres défaillances », a-t-elle ajouté.
Le premier risque, « c’est d’être une femme »
Nicole Belloubet doit rendre public « dans les tous prochains jours » le rapport d’une mission confiée en juin à l’Inspection générale de la justice, chargée d’un état des lieux des affaires d’homicides conjugaux et de tentatives d’homicides commises en 2015 et 2016 et définitivement jugées, afin d’identifier d’éventuelles failles. Sur les 88 dossiers examinés, parmi lesquels 74 meurtres ou tentatives de meurtres, neuf assassinats ou tentatives, et cinq cas de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, « 85% des auteurs sont des hommes, 83% des victimes sont des femmes », a indiqué la responsable de la mission, Véronique Jacob, précisant que les faits, « commis de jour comme de nuit » l’avaient été « majoritairement par arme et le plus souvent par arme blanche ».
Pour les cas étudiés, l’instruction a duré « 17 mois » en moyenne « contre 31 mois » pour toutes les matières pénales confondues, et le quantum de réclusion moyen prononcé est de « 17 ans », a ajouté Véronique Jacob. La mission a identifié « des facteurs de risques qui doivent alerter lorsqu’ils sont réunis. En premier lieu, le risque c’est d’être une femme ». Les antécédents de violences et a fortiori de violences conjugales de l’auteur sont également un facteur de risque, tout comme l’alcoolisme, la jalousie, l’annonce de la séparation et le sentiment de possession, a souligné Véronique Jacob, sans dévoiler les préconisations de l’Inspection pour lutter contre le fléau.
LQ/AFP