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Européennes : Macron refait le coup du duel contre Le Pen


Emmanuel Macron a remis au cœur de la campagne le clivage entre "progressistes et nationalistes", qu'il avait porté en 2018 avant de le mettre en sourdine ces derniers mois. (photo AFP)

En assurant qu’il fera « tout » pour empêcher le Rassemblement national (RN) d’arriver en tête des européennes, Emmanuel Macron s’expose en première ligne et focalise la campagne autour du match avec Marine Le Pen, au risque d’en sortir affaibli si la liste macroniste échoue.

Publication du programme de la liste La République en marche (LREM), visite surprise du chef de l’État aux candidats emmenés par Nathalie Loiseau : la campagne s’est accélérée cette semaine, avec en point d’orgue l’affirmation par le président de la République, depuis le sommet européen de Sibiu (Roumanie), qu’il mettrait « toute (son) énergie pour que le Rassemblement national ne soit pas en tête » au soir du 26 mai.

Alors que les sondages donnent depuis des semaines LREM et RN au coude-à-coude, avec quelque 22% d’intentions de vote pour chacun, la présidente du Rassemblement national est entrée dans le jeu : souhaitant qu’Emmanuel Macron « fasse comme le général De Gaulle », Marine Le Pen a considéré que « s’il perd cette élection, alors il devra partir ».

Avec sa déclaration, le chef de l’État a remis au cœur de la campagne le clivage entre « progressistes et nationalistes », qu’il avait porté en 2018 avant de le mettre en sourdine ces derniers mois. Un retour sur le devant de la scène au moment où la campagne de la tête de liste LREM, Nathalie Loiseau, semblait patiner.

« LREM doit rester sur cette ligne : le RN est notre adversaire prioritaire », estime Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut Ipsos, car « dans une campagne électorale, vous ne pouvez pas avoir plusieurs adversaires. Il vous faut un adversaire principal et ne pas se tromper dessus. Et vous pouvez ensuite avoir plusieurs concurrents ».

La majorité a enfoncé le clou vendredi, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, critiquant le manque de « cohérence » de Marine Le Pen qui, défaite lors de la présidentielle de 2017 face à Emmanuel Macron, aurait dû, « comme le général De Gaulle », avoir « la dignité » de « quitter la politique ».

Dans un ping-pong verbal, les deux partis se reprochent mutuellement depuis des semaines déjà d’escamoter le débat sur les enjeux européens au profit de préoccupations purement nationales : quand LREM accuse le RN de vouloir refaire le match de 2017 en appelant à faire du 26 mai un « référendum » sur la politique d’Emmanuel Macron, le RN, emmené par la tête de liste Jordan Bardella, accuse le chef de l’État d’avoir fait traîner en longueur le grand débat national pour « sauter » les européennes.

« Meeting » en Roumanie 

Mais la mise en avant d’un clivage progressistes/nationalistes n’est pas sans risques pour le chef de l’État. « Plus on dramatise le scrutin autour de cette opposition, si jamais LREM arrive derrière le RN, ce sera d’autant plus impossible à relativiser », note Brice Teinturier.

D’autant qu’Emmanuel Macron sort de deux années au pouvoir, dont six mois de crise des « gilets jaunes », avec une popularité affaiblie.

Au niveau européen, l’Élysée a reconnu vendredi que si la liste LREM « loupe » le scrutin du 26 mai, Emmanuel Macron « perdra un élément d’influence » dans l’Union européenne « pour des mois, voire des années ». « La dynamique politique sera plus malaisée à mettre en œuvre », a reconnu aussi une source gouvernementale.

Quel que soit le score du 26 mai, il sera « de toute façon minoritaire au lendemain de ce scrutin », tranche le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan à l’aune de la contestation de sa politique par l’ensemble des principaux partis.

Ce clivage progressistes/nationalistes, considéré comme artificiel, est aussi critiqué par des oppositions de gauche comme de droite qui, hors RN, craignent d’être marginalisés dans un paysage de campagne électorale réduit.

Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, s’est dit « assez étonné » vendredi de le voir tenir « en quelque sorte un meeting » depuis la Roumanie, refusant le « débat binaire » Macron-Le Pen.

Le centriste Jean-Christophe Lagarde a dénoncé « une partie de ping-pong » et Adrien Quatennens (LFI) « un duo » LREM/RN qui sert autant les deux partis.

AFP