Le Pepe façon « Fight-Club » du Real Madrid est devenu avec le Portugal un défenseur central infranchissable, viril mais correct, aussi crucial derrière que Cristiano Ronaldo l’est devant dans la quête de la finale de l’Euro-2016.
Délit de sale gueule. « Il a tant été vilipendé qu’on ne voyait en lui qu’une brute épaisse alors que pas du tout, Pepe est un des meilleurs sinon le meilleur défenseur central de la compétition », analysent les spécialistes. « Il est presque une révélation de cet Euro, bien qu’il soit déjà connu. » Kepler Laveran Lima Ferreira, dit Pepe, est même considéré comme « un des éléments clefs de la réussite du Portugal ». Tellement essentiel qu’il a été dispensé d’entraînement puis ménagé en ce début de semaine.
Si le joueur qu’on aime détester a la cote, c’est parce qu’ « il a essayé de gommer ce qui le rendait désagréable, les charges violentes ou les corps à corps un peu trop musclés ». Car si les Gallois (ses adversaires en demi-finale mercredi) sont habitués aux combattants, Pepe a par le passé franchi nettement les limites. Il traîne comme des chaînes aux pieds son coup de folie du 21 avril 2009, une incroyable agression contre un joueur de Getafe, Javier Casquero, un soir où le Real Madrid perdait le titre de champion d’Espagne. Après une faute stupide qui vaut un penalty, Pepe donne des coups de pied à Casquero, dans le dos, l’empoigne et lui marche sur le ventre avant de repousser violemment deux joueurs puis d’invectiver l’arbitre assistant en quittant le terrain ! Il fut exclu et prit dix matchs de suspension.
C’était un « bourrin »
Pepe a aussi marché sur la main de Lionel Messi, donné des coups, reçu des rouges, menacé des adversaires… Il a récolté 164 cartons jaunes et 13 rouges en 15 saisons, un joli tableau de chasse ! Et ses airs de méchant hollywoodien ont aggravé sa réputation. Cette agressivité ne vient pas d’une enfance de favela pour ce fils de fonctionnaire brésilien naturalisé en 2006, un changement de passeport qui n’a pas fait grincer de dents. « Il est encore plus portugais que moi ! » plaisantait son coéquipier en sélection Ricardo Costa. Pepe est marié à une Portugaise et a grimpé les échelons du Maritimo Funchal, à Madère, au FC Porto, avant le grand Madrid.
Né à Benedito Bentes, un quartier populaire en périphérie de Maceio, ville calme de l’État d’Alagoas au Brésil, Pepe a souffert de s’appeler Kepler, choisi par son père en hommage à l’astronome. « Personne n’était capable de prononcer mon prénom correctement, a-t-il raconté. Alors comme j’étais petit et gros, les autres enfants ont commencé à me surnommer Pepino (concombre). Ils me rejetaient sans cesse. » Il s’endurcit alors dans un club de combat libre presque sans limite, où il se mesure à des plus grands et forge, selon le mot d’un de ses entraîneurs dans les catégories jeunes, Edminton Lins, sa réputation de « bourrin ».
Il se défoule sur « Call of duty »
Cet Euro a changé la donne. Désormais, Pepe se défoule avec sa console vidéo sur le jeu de guerre « Call of duty ». Du coup, dans le tournoi français, le Portugais n’a pris « qu’un » jaune, pour un découpage à la manière du « vieux Pepe » sur l’Autrichien David Alaba. Contre la Pologne en quarts, il a été impérial. Il a tenu la baraque derrière jusqu’aux tirs au but (1-1, 5 t.a.b. à 3). « Pepe a fait un match énorme », a salué le sélectionneur Fernando Santos. Il n’a presque rien laissé au duo Milik-Lewandowski, le but venant d’une grossière erreur de son latéral droit, Cedric Soares.
Car à 33 ans, il est aussi le seul défenseur expérimenté d’une arrière garde rajeunie. Sur le terrain il n’hésite pas à aboyer sur ses coéquipiers trop tendres, à les replacer, les motiver aussi. A l’Euro Pepe n’a pas joué de l’intimidation comme il le fait parfois, mais « le renard perd le poil mais pas le vice ». Gareth Bale devra se méfier de son coéquipier du Real.