Quel destin pour Antoine Griezmann ? L’attaquant qui a éventré l’Allemagne (2-0) avec ses deux buts, peut-il maintenant rejoindre au Panthéon des Bleus Michel Platini, Zinédine Zidane ou encore Thierry Henry ?
« Antoine Griezmann est l’homme-clé. Nous savions tous qu’il pouvait jouer à ce niveau dans ce genre de match. Nous avons un nouveau héros, un buteur qui peut nous faire gagner des tournois ». L’hommage vibrant provient du meilleur buteur de l’histoire des Bleus (51), Thierry Henry, qui n’a pas caché son « émotion » sur l’antenne de la BBC de voir les Tricolores regoûter à une finale d’un grand tournoi depuis le Mondial-2006.
Il y a dix ans, il avait lui aussi été décisif dans un autre grand match historique, avec un but qui suffit à battre le Brésil (1-0) en quart de finale. Mais l’histoire s’était mal terminée pour la France face à l’Italie en finale, entre l’exclusion de Zidane dans la prolongation après son invraisemblable coup de tête sur le torse de Marco Materrazzi, et ce tir au but de David Trezeguet sur la transversale qui envoya les Azzurri au paradis. Et ouvrit la porte des enfers aux Bleus pour toute une génération suivante.
Henry a vécu ces deux périodes, lui qui fut déjà décisif lors de l’Euro-2000 face au Portugal, en égalisant en demi-finale, avant que Zidane ne marque le but en or sur penalty dans la prolongation (2-1). « Titi » a fini parmi les parias, au fond d’un bus à Knysna, lors de la pathétique grève d’entraînement en pleine Coupe du monde 2010.
« Grizi, c’est Gerd Müller »
A 25 ans, Griezmann est encore très loin d’être au crépuscule de sa propre carrière. Comme il est encore loin de parachever son œuvre actuelle par un premier titre majeur. Les 90 minutes voire plus qui s’annoncent étouffantes au Stade de France face au Portugal de Cristiano Ronaldo, en quête lui aussi d’une consécration avec sa Selecçao, constituent la dernière marche à franchir, de loin la plus haute.
Mais il a mis quelques crampons sur le tapis de postérité. Il y a d’abord ce penalty réussi sans trembler devant Manuel Neuer. « J’avais envie de pouvoir en tirer à nouveau un dans un match important » a-t-il avoué en référence à celui manqué en finale de Ligue des champions contre le Real Madrid. Et puis il y a son but de renard, de la semelle, pour le 2-0.
Dans un clin d’œil de circonstance, Olivier Giroud s’est même fendu d’un « Grizi, c’est Gerd Müller ». Encore un grand attaquant qui fut décisif dans les grands matches, comme en finale du Mondial-1974 où il marqua face aux Pays-Bas (2-1)… Avec ce doublé, Griezmann en est à six buts en six matches, dont cinq lors des trois derniers à élimination directe (doublé contre l’Eire en 8e 2-1, un but conte l’Islande en quart 5-2). L’attaquant de l’Atletico Madrid guide les Bleus vers la victoire.
Capacité à se transcender
Le parcours irrésistible du numéro 7 des Bleus rappelle follement celui de Michel Platini, qui avait gagné quasiment à lui tout seul l’Euro-1984, déjà en France, en finissant à 9 réalisations en cinq matches. La marque de Platini est-elle inaccessible? Peu importe. Ce qui compte, c’est que dans ce championnat d’Europe, « Grizi » possède cette même capacité à faire la décision, à se transcender dans les grands matches. La demi-finale, entourée d’une immense pression à domicile, face à un adversaire longtemps maudit pour eux, en était un.
Ce succès historique n’aura de valeur que si l’équipe de France continue à hanter les nuits des Portugais, qui eux n’ont plus battu les Bleus depuis 1975, matches amicaux compris. Mais en attendant, Griezmann a été salué en peu de mots par Didier Deschamps. « C’est un grand joueur », a résumé le sélectionneur, lui qui incarne mieux que personne cette culture de la gagne, matérialisée par les sacres mondial et européen, en tant que joueur, de 1998 et 2000.
Si « DD » fut le capitaine de cette génération dorée, Zidane en fut le héros ultime, avec ses nombreux exploits dans des matches sans filet, dont son doublé en finale face au Brésil (3-0), qui a façonné sa légende il y a 18 ans déjà. Zidane, Platini, Henry. Griezmann a un ultime effort à faire pour rejoindre ces géants.
Le Quotidien/AFP