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Etat d’urgence : trop d’abus et peu de résultats


L'état d'urgence "a bouleversé des centaines de vies" avec "très peu de résultats concrets" en matière antiterroriste, dénoncent les associations de défense des droits. (Photo AFP)

Perquisitions en pleine nuit devant des enfants apeurés, assignations à résidence entraînant des licenciements… Depuis la mise en place de l’état d’urgence, de nombreux abus sont relayés par des associations de défense des droits.

Dans les heures ayant suivi les attentats parisiens du 13 novembre, le gouvernement a décrété l’état d’urgence, qui renforce les pouvoirs de la police et permet les assignations à résidence et perquisitions administratives de jour comme de nuit, ou l’interdiction de rassemblements. Le Défenseur des droits en a vite vu certaines conséquences : depuis fin novembre, l’institution a reçu 49 réclamations, principalement liées à des perquisitions et des assignations à résidence. Parmi ces dernières, deux ont eu pour conséquence un licenciement. Mais il y a aussi les « dommages collatéraux »: une mère voilée qui se voit refuser l’accès à un collège, des licenciements pour port de barbe, un refus de délivrance de passeport, entre autres.

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L’état d’urgence « a bouleversé des centaines de vies », causant « toute une série de violations des droits humains » avec « très peu de résultats concrets » en matière antiterroriste, abonde Amnesty International. L’organisation humanitaire rapporte que, selon les autorités, « les 3 242 descentes effectuées au cours des mois précédents n’ont donné lieu qu’à quatre enquêtes préliminaires pour des infractions liées au terrorisme et à 21 enquêtes pour le motif d’ apologie du terrorisme, aux contours flous ».

« Ces mesures ont touché en grande majorité des musulmans, et ce, dans un contexte d’explosion des actes anti-musulmans en France », ajoute Izza Leghtas, chercheuse pour Human rights Watch. Grandit alors le « sentiment d’une grande injustice, d’être des citoyens de seconde zone », s’inquiète-t-elle, alors que « dans cette lutte contre le terrorisme, il pourrait y avoir des alliés ».

Enfants traumatisés

« En l’absence de garanties satisfaisantes », Amnesty International et Human Rights Watch demandent aux autorités de ne pas reconduire l’état d’urgence, que le gouvernement veut pourtant prolonger pour trois mois après le 26 février et inscrire dans la Constitution.

Du côté du Défenseur des droits, ce n’est pas tant la prolongation de l’état d’urgence qui inquiète, que la réforme de la procédure pénale qui a été présentée mercredi en Conseil des ministres. Cette réforme permet, entre autres, aux forces de l’ordre de retenir une personne jusqu’à quatre heures « lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste », une disposition qui semble contraire à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’Homme, souligne Jacques Toubon.

Il suggère aux parlementaires d’introduire un « système d’indemnisation » pour les personnes qui seraient victimes de perquisitions ou d’assignations à résidence abusives : « une façon pour l’État de reconnaître qu’il a pu se tromper, qu’il a pu provoquer des dommages excessifs et qu’il s’en sent responsable ». Face aux plaintes de parents dont les enfants ont été « traumatisés » par des perquisitions menées avec « une certaine forme de violence », Jacques Toubon souhaite que des « fonctionnaires spécialisés de la police participent à ces opérations pour prendre en charge ces enfants, les écarter, s’en occuper ».