Le vétéran Béji Caïd Essebsi a revendiqué la victoire à la présidentielle en Tunisie malgré les objections de son rival, le sortant Moncef Marzouki, dans l’attente des résultats officiels attendus aujourd’hui en fin de journée.
Les partisans de M. Caïd Essebsi ont fait la fête une partie de la nuit devant son siège de campagne. (Photo : AFP)
L’instance électorale (ISIE) a indiqué vouloir annoncer avant 20H00 (19H00 GMT) l’identité du premier président élu démocratiquement depuis l’indépendance en 1956. Les instituts de sondages ont apporté de l’eau au moulin de M. Caïd Essebsi en donnant, dès dimanche soir, au chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès des scores variant entre 52,8% et 55,5% des suffrages. Ses partisans ont fait la fête une partie de la nuit devant son siège de campagne, dans le quartier de bureaux des Berges du Lac de Tunis. « L’avenir proche et lointain nous oblige à travailler ensemble pour la Tunisie », a lancé M. Caïd Essebsi à l’adresse de son rival. De son côté, le camp du président sortant a jugé « sans fondement » la revendication de victoire de son adversaire, disant attendre les résultats officiels. « Je refuse de m’avancer (…) malgré toutes les données et informations qui (…) indiquent que nous sommes vainqueurs », a même dit M. Marzouki, tout en refusant de se dire gagnant. Les deux hommes se détestent et leurs campagnes ont été marquées par de multiples échanges d’invectives. M. Marzouki s’est efforcé de dépeindre M. Caïd Essebsi comme le représentant de la dictature tunisienne déchue.
Ce dernier a en retour dénoncé les compromissions du chef de l’Etat avec les islamistes, voire même les jihadistes. Si la victoire de Caïd Essebsi était confirmée, il réaliserait un doublé moins de deux mois après la victoire de son parti aux législatives. Quelque soit le résultat dimanche, c’est donc à Nidaa Tounès de former le prochain gouvernement et cette formation hétéroclite devra rapidement s’atteler à constituer une coalition stable, faute de majorité absolue au Parlement. Il devra composer avec les islamistes d’Ennahda, qui restent la deuxième force politique du pays et n’avaient pas présenté de candidat à la présidentielle. L’essentiel du pouvoir exécutif revient au gouvernement, le chef de l’Etat ayant vu ses prérogatives limitées dans la Constitution adoptée début 2014 afin d’éviter un retour vers la dictature. L’actuel Premier ministre Mehdi Jomaa, un indépendant désigné après une profonde crise politique qui forcé les islamistes d’Ennahda à quitter le pouvoir, a estimé que le nouveau gouvernement devrait prendre ses fonctions en février.
> Vote de l’espoir
Les journaux de lundi prenaient dans l’ensemble pour acquise la victoire M. Caïd Essebsi, un vétéran de 88 ans ayant servi le père de l’indépendance Habib Bourguiba puis brièvement Zine El Abidine Ben Ali avant d’assurer plusieurs mois la fonction de Premier ministre après la révolution. S’ils saluent une journée « historique », et un « vote de l’espoir », ils relèvent aussi que les défis sont nombreux, en particulier sur le plan économique, car quatre ans après une révolution largement motivée par la pauvreté, le chômage et la misère restent endémiques alors que la croissance est anémique. « En témoignent tous ces clignotants socio-économiques qui ont viré au rouge avec surtout un appareil productif complètement grippé, un investissement en panne, un taux de chômage alarmant, un pouvoir d’achat à son plus bas et une situation sociale totalement désordonnée », relève la Presse.
Autre grand défi: la sécurité avec l’essor d’une mouvance jihadiste armée responsable de la mort de dizaines de soldats, notamment à la frontière algérienne, et de deux figures politiques anti-islamistes en 2013. Des militants du groupe Etat islamique ont d’ailleurs menacé la Tunisie quelques jours avant la présidentielle. Les journaux savourent cependant aussi l’achèvement de quatre ans de transition difficile, sans pour autant que la Tunisie ne bascule dans le chaos, la violence ou la répression, à l’inverse d’autres pays ayant connu des soulèvements en 2011. « Le bon déroulement de ces élections ne fera que rehausser le prestige de la Tunisie l’unique pays du +Printemps arabe qui a pu et su se tirer d’affaire », relève Tunis Hebdo. Cet optimisme est partagé par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius qui « salue le bon déroulement de l’élection présidentielle ». « En franchissant cette étape majeure, la Tunisie confirme le rôle historique qui est le sien », dit-il dans un communiqué.
AFP