Problèmes techniques, accidents de chantier, surcoûts : le projet du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche) est à la peine depuis son lancement il y a quinze ans, avec une mise en service inenvisageable avant la fin 2022 et un coût désormais alourdi à plus de 12 milliards d’euros.
En mai 2004, feu vert du gouvernement à la construction d’un réacteur nucléaire de 3e génération, dit EPR (réacteur pressurisé européen). EDF l’implante sur le site de Flamanville où deux réacteurs de 2e génération sont déjà activés. Il doit devenir la vitrine commerciale de la filière nucléaire française. Le premier béton est coulé en décembre 2007 pour une mise en service prévue pour 2012.
3,3 milliards d’euros au départ
Dès l’année suivante, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) fait état de fissures dans le béton de la plateforme, les travaux sont suspendus un mois. A partir de cette date, la facture de l’EPR, de 3,3 milliards d’euros en 2006, sera sans cesse réévaluée par EDF. En 2010, EDF annonce le premier report, à 2014, de la « première production commercialisable » de l’EPR. En 2011, deux ouvriers sont victimes de chutes mortelles sur le chantier, un 3e décède dans un accident de la route en rentrant chez lui. Nouveau report fixé à 2016. En avril 2014, Bouygues TP est condamné à 75 000 euros d’amende pour homicide involontaire d’un soudeur, une des deux victimes ayant chuté en 2011 sur le chantier. La société est relaxée en appel, mais condamnée à 8 000 euros d’amende.
En avril 2015, découverte d’une anomalie dans la composition du couvercle et du fond de la cuve fabriqués par Areva en 2006 et 2007. Des défauts de soudure sont aussi détectés sur le réacteur. Fin 2015, l’ASN donne son feu vert à un programme d’essais d’Areva.
Un an plus tard, Areva annonce que des « anomalies » ont été détectées dans le suivi des fabrications d’équipements au sein de son usine du Creusot (Saône-et-Loire) où a été fabriquée la cuve. EDF commence la phase des essais préalables au démarrage du réacteur, confirmé pour fin 2018, avant sa mise en service commerciale fin 2019. Le 10 octobre 2018, l’ASN donne son feu vert à la mise en service de la cuve du réacteur à condition que des contrôles soient effectués pendant son utilisation. Ces contrôles n’étant pas réalisables sur le couvercle actuel, le gendarme du nucléaire demande son remplacement avant 2025.
1,5 milliard pour les soudures
L’avis de l’ASN est contesté par Greenpeace et trois autres associations qui déposent un recours devant le Conseil d’État. En 2018, EDF annonce des « écarts de qualité » sur des soudures du réacteur situées dans la traversée de l’enceinte de confinement, la grosse structure de béton qui doit retenir les éléments radioactifs en cas d’accident. EDF propose de laisser huit soudures en l’état en prouvant avec des essais qu’elles ne posent pas de problème de sûreté, et de renforcer les contrôles pendant le fonctionnement du réacteur. A ce stade la mise en service commerciale est prévue pour 2020.
Début juin 2019, EDF demande à l’ASN s’il est possible de réparer les soudures vers 2024, après la mise en service du réacteur. L’ASN juge nécessaire de réparer les huit soudures avant la mise en service. Le 26 juillet EDF annonce que, compte tenu de ces exigences, la mise en service du réacteur « ne peut être envisagée avant fin 2022 ». Le 29 septembre, le ministre de l’Économie Bruno le Maire fustige des « dérives inacceptables » et dit attendre un « audit totalement indépendant sur la filière nucléaire et sur le choix de l’EPR » pour le 31 octobre.
Le 9 octobre, EDF annonce que la facture devrait s’alourdir de 1,5 milliard d’euros pour atteindre 12,4 milliards d’euros suite aux problèmes de soudures. Le scénario privilégié pour les réparer, explique le groupe, est l’utilisation de robots télé-opérés permettant une grande précision à l’intérieur des tuyauteries.
LQ/AFP