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En Chine, l’e-commerce mise son avenir sur les produits étrangers


Les ventes de produits étrangers explosent sur les sites d'e-commerce chinois (illustration Fabrizio Pizzolante)

Lait néozélandais, cosmétiques français, boeuf américain… les ventes de produits étrangers explosent sur les sites d’e-commerce chinois, qui rivalisent avec le géant Alibaba pour répondre à la demande d’une classe moyenne en plein essor.

Initialement, Su Yingdan, jeune mère de famille du Sichuan, pensait acheter du lait maternel chinois. « Mais j’ai finalement choisi une marque étrangère » sur internet, jugée plus sûre, tranche-t-elle. Dans une Chine traumatisée par les scandales alimentaires, dont celui du lait frelaté à la mélamine (2008), les produits locaux inquiètent toujours et les ventes en ligne de lait infantile importé – néozélandais, allemand ou français – s’envolent.

JD.com, numéro deux chinois de l’e-commerce, assure avoir écoulé samedi 20.000 tonnes de lait maternel en poudre pour la « fête des célibataires », journée annuelle de soldes monstres pendant laquelle il mettait en vedette des marques étrangères. Une nécessité stratégique : avec une classe moyenne chinoise dépassant 300 millions de personnes, « le consommateur moyen est plus averti, exposé aux produits étrangers lorsqu’il voyage, et prêt à dépenser davantage », résume Shelleen Shum, analyste du cabinet eMarketer.

Le numéro un Alibaba l’a compris : au-delà des produits manufacturiers chinois bon marché qui firent son succès initial, il vante désormais son offre « internationale ». Samedi pour les soldes du « jour des célibataires », sur 140 000 marques en promotion qu’il proposait, 60 000 étaient étrangères.

Sur son site Tmall, des marques françaises comme l’Oréal, l’Occitane ou Décathlon rivalisaient d’offres aux côtés des géants de l’électronique et de l’habillement américains et nippons… Vu le colossal marché, « le rendez-vous est incontournable » même s’il est peu rentable, indique  Laure de Carayon, spécialiste de l’internet chinois et directrice du forum ChinaConnect. « Mais à défaut de marges, elles s’achètent une notoriété ».

Pour se distinguer, JD.com mise sur les produits frais, dont il a écoulé 20 000 tonnes samedi, assurant avoir vu s’envoler ses ventes de kiwis néozélandais, saumon chilien, crevettes géantes thaïlandaises et steaks australiens. Le groupe s’est engagé la semaine dernière à acheter, sur trois ans, 2 milliards de dollars d’articles aux États-Unis, dont du bœuf du Montana.

Les plateformes « permettent aux commerçants étrangers de prendre pied en Chine sans y installer de magasins et sans gros investissements », décrypte le cabinet PricewaterhouseCoopers. Via des entrepôts à l’étranger et en Chine dans des zones de libre-échange, elles accélèrent les procédures douanières et livraisons, et font l’interface pour les paiements. L’emblématique fondateur d’Alibaba, Jack Ma, avait même assuré en janvier pouvoir créer indirectement un million d’emplois aux États-Unis… en permettant aux PME américaines d’accéder au marché chinois.

L’improbable promesse reflète l’explosion des ventes « crossborder » (transfrontalières), celles de produits acheminés directement en Chine après commande de particuliers : elles dépasseront cette année 100 milliards de dollars (+28% sur un an), selon eMarketer.

NetEase Kaola, petite plateforme née en 2015, domine 24% du commerce « crossborder » électronique chinois, devant les branches dédiées d’Alibaba (20%) et JD.com (13%), selon le cabinet iiMedia. Avec moins de 430 millions d’euros de revenus au 2e trimestre, Kaola (« koala » en mandarin), branche du géant des jeux vidéos NetEase, est un petit Poucet.

Si sa part dans l’ensemble des ventes en ligne chinoises est minuscule, il s’est imposé sur le créneau des achats transfrontaliers en proposant « un nombre limité de marques » étrangères (5 000 actuellement) soigneusement présentées, explique sa directrice générale Zhang Lei. « Notre cible, c’est les cols blancs à fort pouvoir d’achat », avides de qualité et de conseils, note-t-elle.

On trouve sur Kaola des vins bordelais soigneusement décrits, des cranberries américaines, mais surtout des articles haut-de-gamme de cosmétiques, produits de soins, linge de maison, stylos-plume allemands… L’essentiel acheté directement à l’étranger, en limitant les intermédiaires pour sabrer les coûts et en « garantir l’origine », selon Zhang Lei, dont le groupe possède des entrepôts en Allemagne, aux Pays-Bas et en région parisienne.

Au-delà du Japon et des États-Unis, Kaola ambitionne d’acheter en trois ans pour 3 milliards d’euros de produits en Europe, et ses 330 marques françaises se sont étoffées dans la cosmétique (Parashop) ou la mode enfantine (Kidiliz): les mères trentenaires sont la cible phare de Kaola.

Le Quotidien/ AFP