Deux acteurs vedettes égyptiens, Amr Waked et Khaled Abol Naga, ont dénoncé mardi à Paris la réforme constitutionnelle qui doit être votée mardi par le Parlement égyptien et critiqué le soutien de Paris au président Abdel Fattah al-Sissi, accusé de graves violations des droits humains.
« Ces amendements (constitutionnels) font revenir l’Égypte à une dictature digne du Moyen Âge », a déclaré Amr Waked lors d’une conférence de presse dans les locaux de la Ligue des droits de l’Homme à Paris.
« Où est la stabilité dans un pays qui emprisonne des enfants (..) qui maltraite et qui tue? », a renchéri Khaled Abol Naga, en racontant l’histoire d’un jeune de 11 ans emprisonné pour avoir porté un t-shirt arborant l’inscription « un pays sans violence ».
Les deux acteurs, connus pour leurs critiques du pouvoir égyptien, sont interdits d’exercer dans leur pays et vivent à l’étranger. Suivis par des millions d’abonnés, ils ont joué dans plusieurs films et séries télévisées en Égypte et à l’étranger.
Le Parlement égyptien doit octroyer mardi la possibilité au président Abdel Fattah al-Sissi, réélu en 2018, de rester au pouvoir jusqu’en 2030. À ce jour, la Constitution limite le nombre de mandats à deux, de quatre ans chacun.
Des défenseurs des droits de l’Homme redoutent aussi que cette réforme constitutionnelle ne muselle le pouvoir judiciaire.
Un «glissement vers une forme de totalitarisme»
L’Égypte connaît un « glissement vers une forme de totalitarisme », avec une « prise de contrôle simultanée de l’appareil d’État, de la société et des individus », a estimé la chercheuse Claire Talon, ancienne directrice du bureau Moyen-Orient de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).
« Ces amendements vont permettre au régime militaire de mettre sous tutelle l’intégralité du régime juridique, judiciaire », a-t-elle déploré, en évoquant le « droit de nomination » du président, notamment du procureur général, ou « l’élargissement de la compétence des tribunaux militaires, dont celle pour juger des civils ».
Les deux acteurs en ont appelé à « l’esprit de Tahrir », en référence à l’épicentre de la révolte contre la présidence de Hosni Moubarak en 2011 au Caire, et au Printemps arabe en pleine résurgence en Algérie et au Soudan.
« Le régime ne voit comme solution que la main de fer (…) mais le Printemps arabe est toujours vivant », a lancé Khaled Abol Naga.
Ils ont aussi mis la France en garde contre son soutien appuyé à Abdel Fatah al-Sissi, au nom de la stabilité régionale et de la lutte contre le terrorisme, même si le président français Emmanuel Macron a publiquement soulevé la question des droits de l’Homme lors de sa visite en janvier au Caire.
« Si vous pensez que les dictatures instaurent la stabilité, pourquoi n’êtes-vous pas une dictature? Il n’y a pas de stabilité dans un environnement d’oppression », a affirmé Amr Waked.
« N’attendez pas l’explosion et qu’il soit trop tard. L’Égypte va se libérer et tout partenaire de cette oppression va le payer cher », a-t-il averti.
AFP