Le gouvernement français, acculé par les intenses pressions venues des gilets jaunes et de ses opposants politiques, a fait mardi une première concession et va annoncer un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants, mais ce geste est déjà qualifié d’insuffisant.
« Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France, mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la Nation », a souligné Édouard Philippe lors d’une allocution télévisée, ajoutant qu’il « faudrait être sourd » pour ne « pas entendre la colère » des Français. Dans un « souci d’apaisement », le gouvernement et le président Emmanuel Macron ont ainsi décidé de la suspension pendant six mois de trois mesures fiscales devant entrer en vigueur le 1er janvier 2019 : la hausse de la taxe carbone, sur l’essence, le fioul et le diesel; la convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l’essence et l’alignement sur la fiscalité des particuliers de la fiscalité du gazole des entrepreneurs non routiers.
« On doit apaiser la situation pour éviter qu’elle dégénère », a expliqué à ses troupes le Premier ministre, avant sa déclaration télévisée. « Le moratoire ne remettra pas en cause l’ambition de la transition écologique. Une taxe ce n’est pas une réforme, mais un moyen de la réforme », a-t-il cependant ajouté.
Depuis les émeutes violentes en France samedi – notamment des pillages et incendies dans des quartiers chics et symboliques de Paris – qui ont choqué au-delà des frontières, le gouvernement est engagé dans une course contre la montre pour tenter d’apaiser la colère des gilets jaunes contre la politique sociale et fiscale du gouvernement et prévenir de nouveaux heurts.
Plusieurs responsables politiques, de l’opposition comme de la majorité présidentielle, avaient appelé le gouvernement à reporter la hausse des taxes sur le carburant programmée le 1er janvier, revendication phare des protestataires. Il y a urgence : des appels à une quatrième journée d’action nationale samedi prochain fleurissent sur internet et une fronde lycéenne prend de l’ampleur. Plusieurs établissements étaient encore bloqués mardi et des incidents se sont déroulés.
« Les Français ne veulent pas des miettes »
Après avoir tardé à prendre la mesure de la profonde colère populaire – et souvent détresse – et de l’inédite détermination de nombreux gilets jaunes, l’exécutif a toutes les difficultés à ouvrir le dialogue avec ce mouvement atypique, né des réseaux sociaux, sans leader ni structure.
Selon le ministère français des Finances, les deux premières semaines d’actions des gilets jaunes ont déjà un impact « sévère et continu » sur l’économie. Sur le plan judiciaire, les violences ont donné lieu ce week-end au chiffre record de 363 gardes à vue, dont 32 pour des mineurs, selon un nouveau bilan du parquet de Paris.
Mardi, le Premier ministre a tenté des propos d’apaisement : « On voit monter en France une colère profonde qui vient de loin, qui a longtemps été cachée par pudeur et fierté. Aujourd’hui, elle s’exprime de manière collective. Colère de Français qui ont le sentiment d’être dos au mur, qui travaillent et ne veulent pas être relégués ».
Mais ce premier geste était jugé mardi encore insuffisant par les oppositions de droite et de gauche comme par les gilets jaunes, qui réclament davantage pour répondre aux attentes en matière de pouvoir d’achat. « Les Français ne veulent pas des miettes, ils veulent la baguette au complet », a prévenu Benjamin Cauchy, une figure du mouvement des gilets jaunes, même s’il voit dans ce moratoire « une première étape » et « la preuve que lorsqu’il y a de la volonté politique, on peut écouter le peuple ». Il continue néanmoins de réclamer « l’annulation des taxes sur le carburant », « des états généraux de la fiscalité » et « une revalorisation des salaires, des pensions d’invalidité et des retraites décidée par une conférence sociale nationale ».
LQ/AFP