Eric Mouzin et ses avocats dénoncent les manques de l’enquête autour de la disparition d’Estelle, le 9 janvier 2003 à Guermantes. Parmi les éléments non exploités, Le Républicain Lorrain révèle la piste menant à un Messin.
Ils l’ont évoquée brièvement mardi, lors d’une conférence de presse organisée avec Eric Mouzin, qui entend attaquer l’État français pour « faute lourde ». Parmi toutes les hypothèses et les témoins « intéressants » livrés à la sagacité de la justice et des enquêteurs, une piste messine figure en bonne place dans les priorités de Mes Corinne Herrmann et Didier Seban. Les avocats du père de la fillette de 9 ans, disparue à Guermantes (Seine-et-Marne) en 2003, ont parlé de « deux anciens policiers ». Deux fonctionnaires messins en service jusqu’à la fin des années 2000. Deux anciens de la brigade anticriminalité réputés pour être des chasseurs. À l’œil acéré, à l’affût de tout, fins connaisseurs de leur territoire et des hommes.
À l’époque de la disparition d’Estelle Mouzin, ils s’intéressent à un homme au passé marqué par des affaires de mœurs. Déjà fiché pour avoir suivi une fillette jusque dans le hall d’un immeuble de Florange, il a été condamné à trois ans ferme pour l’incendie du palais des sports de Metz, en mars 1999. Supporter inconditionnel de l’équipe féminine de handball, il traînait aux abords du gymnase, et pas seulement pour la beauté du sport.
Surpris en train de se masturber en regardant des jeunes filles dans les vestiaires, aussitôt interdit de séjour dans la salle des sports, il s’est vengé en vidant des bouteilles de dissolvant dans un conduit du gymnase et en y lançant un briquet. L’incendiaire ne se sauve pas, il appelle même les secours…
« Mais c’est moi, ça ! »
En perquisition, les policiers découvrent un individu passionné par l’histoire de Manon Wagon, une jeune fille de 10 ans disparue en 1996, à Agen (Lot-et-Garonne). L’homme collectionne toutes les coupures de presse. Les vérifications de son emploi du temps prouveraient qu’il se trouvait dans le Sud-Ouest au moment de cette autre disparition. Des éléments transmis aux gendarmes.
Sorti de prison après avoir purgé sa peine pour l’incendie criminel, il est interpellé à nouveau, pour des comportements douteux autour d’aires de jeux d’enfants.
Cette affaire-là ne prospère pas mais les deux flics de la Bac de Metz mémorisent ce visage et le surveillent d’un peu plus près. Tous les soirs, après son travail, le trentenaire prend son vélo et fait le tour des jardins d’enfants. Il se cache dans des buissons pour observer les gamins, leurs mamans, et se caresser. Courant 2003, lorsqu’est diffusé le portrait-robot d’un homme susceptible d’avoir kidnappé Estelle Mouzin, à tout le moins celui d’un témoin important, les agents messins sont secoués : la ressemblance avec « leur » homme est frappante. Suffisamment pour qu’ils le ramènent à l’hôtel de police. Dans le bureau, l’homme tombe nez à nez avec le portrait-robot et lance : « Mais c’est moi, ça ! » Une exclamation qui hante les esprits de tous ceux qui connaissent cette histoire.
Les policiers messins alertent leurs homologues de la PJ de Versailles, qui ne s’est jamais déplacée en Moselle. Des années plus tard, ils ont écrit leur trouble à la justice de Meaux. Tracassés par ce profil particulier, les flics retraités se sont rapprochés plus récemment des avocats d’Eric Mouzin. Sans aucune certitude, mais avec la conviction que la piste messine mérite un autre sort. Malgré les demandes des parties civiles, elle n’a jamais été creusée. Jusqu’à maintenant.
Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)