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Des marins allemands au secours des migrants en Méditerranée


Un migrant secouru par le navire militaire allemand Werra, le 26 septembre 2015 en Méditerranée. (Photo : AFP)

A bord de la Werra, un navire militaire allemand engagé dans l’opération européenne anti-passeurs au large de la Libye, l’équipage est en alerte ce matin: une embarcation à la dérive a été signalée.

Les marins qui peu auparavant admiraient les facéties d’un groupe de dauphins ont désormais revêtu casque, cagoule et gilet de sauvetage, et les tireurs sont tous en position le long du bateau, main sur la gâchette. Finalement, il ne s’agit que d’un bateau de pêcheurs libyens qui n’avaient pas répondu aux premiers appels radios. Salam Sayed, militaire allemand d’origine égyptienne, discute avec eux et tout rentre dans l’ordre.

Mais moins d’une demi-heure plus tard, nouvelle alerte: l’Argos, l’un des deux navires affrétés par Médecins sans frontières pour ces opérations de sauvetage, signale une autre embarcation, à une cinquantaine de milles (80 km) au nord des côtes libyennes.

Cette fois-ci, il s’agit d’un grand canot pneumatique chargé de migrants ballotés par les vagues.

La Werra envoie tout de suite deux canots d’approche. L’un doit entrer en contact avec les migrants. L’autre maintenir la sécurité. Mais tout semble calme, et rapidement les deux canots, aidés d’un troisième envoyé par l’Argos également sur zone, commencent à transborder les migrants.

Dans le vacarme assourdissant des machines, les rescapés empruntent un à un la passerelle du bateau, où ils sont accueillis par des membres d’équipage suant à grosses gouttes dans leurs combinaisons blanches de protection. Les migrants reçoivent un bracelet en plastique avec leur numéro et sont photographiés. Leurs maigres affaires sont minutieusement fouillées, et tout est consigné dans une enveloppe qu’ils retrouveront au moment de débarquer.

Il y avait 140 personnes sur le canot 96 hommes, 42 femmes et deux enfants venues essentiellement du Nigéria, du Ghana, du Sénégal et de Sierra Leone. Ils suivent la procédure sans rien dire, le regard un peu perdu.

«C’était mon rêve»

Certains, plus faibles, sont pris en charge par l’équipe médicale. Les autres reçoivent un drap et un oreiller pour s’allonger sur un pont arrière du navire, où les hélicoptères ont fait place à des toilettes chimiques. Quelques dizaines d’hommes et de femmes s’agenouillent en cercle, main dans la main, pour improviser une prière d’action de grâce. Des membres d’équipage distribuent eau et repas, mais rapidement, le sommeil l’emporte.

C’est la troisième opération de sauvetage de ce type pour la Werra, engagée avec une centaine de membres d’équipage depuis juillet dans l’opération Eunavfor Med. Jusqu’à présent, il s’agissait de renseignement, mais courant octobre, ils pourraient commencer à utiliser la force contre les passeurs s’aventurant dans les eaux internationales.

«L’ambiance a vraiment changé à bord», estime l’aumônier du bord, Christian Lüders. «L’équipage aime bien aider», même si certains s’inquiètent face à ce flot de migrants qui risque «de changer l’Allemagne», pays visé par nombre de ceux qui passent par la Libye et l’Italie.

Pour Salam Sayed, qui s’est engagé dans l’armée l’année dernière justement pour cela et dont la famille loue à moitié prix des chambres à des réfugiés à Francfort, la question ne se pose pas. «C’était mon rêve de pouvoir faire quelque chose pour ces gens qui ont tout perdu (…). Ils ont risqué leur vie pour leurs enfants», raconte-t-il.

Si l’émotion est grande à bord, l’opération reste cependant de routine pour ce coin de Méditerranée. Cette journée de samedi a d’ailleurs été «calme dans l’ensemble» pour les gardes-côtes italiens, qui coordonnent les secours.

Dimanche, alors que la Werra faisait route vers le port sicilien d’Augusta pour débarquer les migrants, près de 800 personnes ont été secourues à bord de sept embarcations, avec le concours d’une demi-douzaine de bateaux. Depuis deux ans, la moyenne est de près de 500 par jour.

AFP/M.R.