En cas de prise d’otage par des malfaiteurs aussi déterminés que semblent l’être les suspects du massacre de Charlie Hebdo, retranchés avec un otage dans une imprimerie en Seine-et-Marne, l’essentiel d’abord est de gagner du temps, en sachant que l’issue violente est plus que probable, expliquent à l’AFP des spécialistes.
Au cours des dernières années, plus de 90% des missions du GIGN ont été résolues par la négociation. (Photos : AFP)
Il faut le plus vite possible, par tout moyen, établir un contact avec les hommes armés puis commence un jeu psychologique qu’il faut faire durer, dont dépendra souvent l’issue de l’affaire. « La seule hypothèse dans laquelle on va intervenir sans attendre, c’est si la vie de l’otage est menacée ou les cibles tentent de fuir. Si ce n’est pas le cas, il faut tout faire pour gagner du temps », explique à l’AFP Thierry Orosco, ancien chef du GIGN. « Dans les cas, comme cela semble l’être ici, où la reddition semble exclue, c’est essentiel. Il faut commencer par les contacter. Le but est d’avoir le plus de temps possible pour élaborer un scénario d’intervention le plus chirurgical possible, pour minimiser les dégâts ».
« Les ravisseurs aussi ont intérêt à faire traîner et à gagner du temps, afin de disposer d’un temps médiatique le plus long possible. Au bout, avec ce genre de malfaiteurs, on sait tous qu’il y aura la confrontation. Dans un cas comme celui de ces tueurs ça semble inévitable. Donc c’est un vrai jeu de dupes, il faut savoir le jouer », ajoute-t-il. Fournir aux ravisseurs des moyens de communication s’ils n’en ont pas, entamer les négociations, les faire durer, échanger des concessions des ravisseurs contre, par exemple, des vivres est une tâche qui a été dévolue, depuis de nombreuses années, à des spécialistes, au sein de « cellules de négociation », qui existent au sein du GIGN, qui est à la manoeuvre à Dammartin-en-Goële, ou du Raid, l’unité d’intervention de la police nationale. Au cours des dernières années, plus de 90% des missions du GIGN ont été résolues par la négociation.
> Préserver les vies
Mais les heures d’attente permettent aussi, au cas où l’assaut devra être donné, d’établir une cartographie des lieux, de repérer les positions des ravisseurs et des otages, d’affiner la tactique d’assaut, pour être le mieux préparé possible si la force doit être employée. « Il est important de faire durer les choses le plus possible, sauf bien sûr si la vie de l’otage est menacée », précise Ludovic François, professeur à HEC, spécialiste des questions de sécurité.
« L’attente permet d’affiner le dispositif, d’engager une négociation ou du moins des tractations, de recueillir du renseignement, de l’affiner. Plus on a de temps et plus l’intervention pourra être précise. Il faut gagner du temps aussi si on veut mettre en place des dispositifs techniques, du genre glisser dans les pièces des micros ou des mini-caméras ». « Le GIGN est notamment connu pour avant tout tenter de préserver les vies humaines : les vies des otages, bien sûr, mais aussi celle des malfaiteurs », ajoute-t-il. « Il faut toujours travailler à les convaincre de déposer leurs armes, de se rendre sans violence, même si ça semble difficile avec des terroristes motivés. Mais plus ça dure plus ça permet de recueillir du renseignement, qui pourra jouer un rôle dans l’intervention ».
AFP