Les nouveaux dirigeants nationalistes de Corse ont fermement condamné lundi les manifestations racistes du week-end à Ajaccio, aux «antipodes» de leur conception de l’île, et appelé à «l’apaisement».
«Il faut revenir à une situation apaisée», a déclaré le président de l’Assemblée, l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, lors d’une visite à la caserne des pompiers dont l’agression, le soir de Noël, a déclenché plusieurs jours de manifestations, émaillées de dérapages xénophobes.
«L’agression inqualifiable dont vous avez été victime ne doit pas servir de prétexte à des déferlements racistes», a-t-il ajouté : «Il faut de la fermeté, il faut réaffirmer les principes».
«Ce qui est passé ces dernières heures est en contradiction formelle avec ce que nous sommes au plus profondément», a encore déclaré Jean-Guy Talamoni, pointant l’extrême droite : «Il s’agit d’idéologies importées, qui n’ont rien a voir avec notre pensée politique, notre culture».
Le nouveau président de l’exécutif, Gilles Simeoni, autre figure du nationalisme corse et qui s’est lui aussi rendu à la caserne, avait déclaré dans la matinée que ce mouvement «est totalement aux antipodes de tous les phénomènes de racisme, de xénophobie ou d’exclusion».
«Notre nationalisme est une démarche progressiste, qui est l’affirmation de l’existence d’un peuple, le peuple corse, et la conception du peuple corse est ouverte, généreuse, accueillante», a-t-il assuré à Europe 1.
«Pendant la Seconde guerre mondiale, les juifs étaient protégés en Corse, il n’y a pas eu de déportation des juifs, ce qui faisait dire à certains responsables de la communauté juive que la Corse a été l’île des Justes», avait également souligné le président de l’Assemblée Jean-Guy Talamoni, sur France Inter.
«Cette île des Justes ne peut pas accepter qu’il y ait des dégradations de lieu de culte. C’est quelque chose d’absolument incompatible avec notre tradition politique, avec notre culture», a-t-il poursuivi, après le saccage d’une salle de prière musulmane vendredi.
Quelques dizaines d’Ajacciens se sont regroupés lundi matin, avant la visite des leaders nationalistes, devant la caserne des pompiers, pour leur manifester leur soutien.
«On a carrément compris qu’on n’était pas les bienvenus, ni la police, ni les pompiers, ce soir-là sur cette intervention», a témoigné Yohann, l’un des fonctionnaires agressés. «C’était: +vous êtes pas chez vous, allez-vous en, sales Corses, cassez-vous+», a raconté le pompier sur RTL.
Deux suspects, interpellés dimanche, ont vu leur garde à vue prolongée lundi, a indiqué le procureur de la République Eric Bouillard. Dimanche, il avait expliqué que «leur implication dans l’agression des pompiers fai(sai)t encore l’objet d’investigations».
« Profaner la langue corse »
Les violences de la nuit de Noël ont déclenché une série de manifestations et de débordements racistes qui font l’objet d’une enquête judiciaire. Le préfet de Corse a décidé de «sanctuariser» le quartier populaire des Jardins de l’Empereur en y interdisant tout rassemblement jusqu’au 4 janvier. Lundi matin, la situation était calme, selon une journaliste.
Dimanche, certains manifestants, qui ont de nouveau défilé dans plusieurs quartiers populaires d’Ajaccio, se sont désolidarisés des débordements racistes.
«On se bat contre la racaille, mais pas contre les Arabes», ont scandé les meneurs. «On n’est pas des casseurs», «on n’est pas des racistes», a enchaîné le cortège, qui s’est rendu à la préfecture apposant sur ses grilles un drapeau corse à tête de Maure et dans les quartiers Sainte-Lucie et des Cannes, avant de revenir devant les Jardins de l’empereur.
A propos des slogans racistes comme «Arabi Fora» («Les arabes dehors»), entendus dans les manifestations, Jean-Guy Talamoni a jugé que «c’est profaner la langue corse que de s’en servir pour dire des choses pareilles». «Ce sont des gens souvent d’ailleurs qui ne pratiquaient pas très bien la langue», a-t-il insisté, évoquant «un certain nombre de tracts faits par ces groupes, ou par le FN», avec un «usage de la langue corse assez approximatif».
AFP/M.R.