« C’est une profanation, c’est indécent »: sur la place de la République, mémorial improvisé depuis les attentats de Paris, des militants radicaux n’ont pas hésité à se servir d’objets déposés en hommage aux victimes pour en découdre avec les forces de l’ordre à la veille de la COP21.
« Cette statue, c’est la tombe des victimes des attentats », s’étrangle Bertrand Boulet, membre de l’association « 17 plus jamais », qui a entretenu le mémorial de fleurs, petits mots et bougies déposés au pied de la statue après les attentats de janvier et à nouveau après ceux du 13 novembre.
Depuis le début de l’après-midi, un face à face tendu ponctué d’échauffourées oppose les forces de l’ordre à deux à trois cents manifestants, des « petits groupes violents » selon le préfet de police. Ils se sont réunis malgré l’interdiction de manifester parmi d’autres se réclamant dans le calme d’un mouvement « antiCOP21 ».
Encagoulés et pour certains vêtus de noir, ils jettent projectiles et bouteilles en verre sur les CRS, casqués et avec leurs boucliers, qui répliquent à coups de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Une scène qui se reproduit à plusieurs reprises.
La place est ceinturée par les CRS qui en contrôlent tous les accès. Des pots de fleurs, des bris de verre et des bougies, qui ornaient la statue de la République en hommage aux victimes, jonchent le sol au pied des forces de l’ordre.
Bertrand Boulet en a « mal au coeur ». « On s’échine à entretenir le monument toutes les semaines, c’est le monument de tous les Français », déplore-t-il.
Serena, 18 ans, cherche désespérément la bougie « marron à paillettes » déposée il y a quelques jours pour une amie qui a perdu un proche lors des attentats. « C’est désolant, c’est censé être un lieu de recueillement ».
Pour éviter les dégâts et empêcher les plus virulents de se servir, des manifestants pacifiques forment une chaîne humaine autour de la statue. Drapeaux arc-en-ciel à la main, certains demandent aux groupes violents de cesser de jeter des projectiles.
« Choisis ton camp », répond, hargneux, un manifestant. « Toi tu manifestes comme t’en as envie, moi je manifeste comme ça », rétorque un autre, hué alors qu’il cassait une poubelle.
« De quel droit peut-on ainsi cracher sur les morts, cracher sur leur mémoire ? », dit Laurène, une manifestante de 19 ans. « Cette semaine, j’ai vu un père venu exprès des États-Unis pour déposer une bougie pour sa fille tuée au Bataclan », raconte cette étudiante.
Sac poubelle à la main, Nouria, qui vient deux fois par semaine nettoyer le mémorial, répare déjà les dégâts en remplaçant les fleurs et les bougies disparues ou brisées.
Quelques mètres plus loin, au début de la rue du Temple un peu éloignée du tumulte, des anonymes rassemblent à la hâte sur un passage piéton tous les débris jetés, chaussures, bougies et fleurs, pour récréer un petit mémorial.
En milieu d’après-midi, 100 interpellations avaient eu lieu place de la République et d’autres contrôles d’identité étaient en cours. La manifestation « a été un peu violente à certains moments mais parfaitement maîtrisée », a déclaré le préfet de police Michel Cadot, précisant qu’il n’y avait eu « aucun blessé ».
Les débordements en marge de sommets internationaux sur le climat sont peu fréquents, contrairement à d’autres rencontres internationales comme les G8 ou réunions de l’OMC. En 2009 toutefois, environ 300 manifestants membres des « Blacks Blocs » (militants issus de la mouvance anarchiste) selon la police avaient provoqué des incidents dans le centre-ville de Copenhague.
AFP