Le procès d’une mère qui a mis fin aux jours de sa fillette très lourdement handicapée, Méline, en 2010 à Saint-Malo, s’est achevé mardi avec ses cris de colère et ses invectives aux jurés après sa condamnation à cinq ans de prison avec sursis alors qu’elle attendait un acquittement.
Bien que la cour ait retenu comme circonstance atténuante une altération de son discernement et que sa peine soit intégralement assortie de sursis, Laurence Nait Kaoudjt, qui encourait la réclusion criminelle à perpétuité, a crié sa colère et son écœurement aux jurés, aussitôt après l’énoncé du verdict.
«J’aurais mieux fait de mourir. Vous n’avez pas de cœur, vous n’avez pas compris mon geste d’amour: si, demain, vous lisez que je me suis suicidée, je vous regarde tous dans les yeux, c’est sur votre conscience», leur a crié cette femme de 49 ans aux cheveux grisonnants depuis le box des accusés, tandis que le président de la cour d’assises, Philippe Dary, mais aussi sa propre mère, lui demandaient de se calmer.
Ses avocats avaient plaidé pour son acquittement. «Elle a tué sa fille, mais elle n’est pas une meurtrière, contrairement à ce qui a été requis: la contrainte morale intérieure existe», avait ainsi déclaré Me Éric Dupond-Moretti.
« Empathie » et « raison »
«Oui, elle a tué, mais est-elle coupable de l’avoir fait? Vous avez des experts qui disent qu’en réalité, elle n’avait pas d’autre choix», a-t-il ajouté. «Elles ne faisaient qu’une, elles étaient fusionnelles, c’était une peau pour deux…».
L’avocat général, Yann Le Bris, dont les réquisitions ont été intégralement suivies, avait pour sa part rappelé combien, dans ce dossier sensible, depuis la découverte du corps de la fillette de huit ans étranglée au matin du 23 août 2010 jusqu’à l’audience, l’ampleur de la peine de la mère, dont le placement en détention n’a jamais été envisagé, avait pris le pas sur la démarche judiciaire.
Il avait appelé la cour à «l’empathie» avec sa douleur pour déterminer sa peine, tout en les rappelant à la «raison» afin qu’ils la déclarent bel et bien coupable de meurtre.
«Personne n’est propriétaire de son enfant», a souligné l’avocat général. «Même si cet enfant est handicapé, il est autonome, il a sa vie, il a son humanité: si vous dites aujourd’hui +elle n’est pas coupable+, vous niez cette humanité. Dans le référentiel commun de la société, on a toujours le choix de ne pas étrangler une petite fille», a-t-il martelé.
« Drame de la désespérance »
M. Le Bris a rappelé les derniers éléments de la vie de huit ans de la petite Méline, brune aux longs cheveux frisés dont plusieurs photos, y compris sur son lit de mort, ont été montrées à l’audience juste avant son réquisitoire: «Elle avait des peluches, des jouets, elle souriait, elle aimait faire du poney (pas toute seule), elle aimait la musique, elle aimait le contact… C’est quelqu’un qui a eu une existence, elle a eu une vie, elle a été heureuse».
Dans la matinée, dans un récit qui a glacé la cour et l’audience, souvent en larmes mais assumant tous ses actes, Laurence Nait Kaoudjt a expliqué comment le 15 août précédant les faits, se sentant impuissante à continuer à lui épargner les souffrances de son handicap et craignant d’en être séparée, elle avait pris sa décision.
Le 22 août 2010, elle a couché sa fille après lui avoir donné un peu de somnifère et un anti-douleur «pour qu’elle n’ait pas mal». Puis elle a étouffé Méline à l’aide d’une écharpe.
«J’ai dit: Méline, c’est Maman qui t’aime, c’est Maman ma chérie… J’ai dit: Seigneur, prenez mon enfant», raconte-t-elle. «Je lui ai chanté une petite chanson, je suis restée comme ça… et puis au bout de quelques temps, je sais pas, je me suis dit: ça doit être fini».
A l’aide d’une forte dose de somnifères et en se tranchant les veines, elle tente de se suicider mais se réveillera le lendemain matin. «Je serais partie avec ma fille, on aurait dit : c’est un drame de la désespérance et je ne serais pas là à être jugée».
AFP/M.R.