Il s’affole: son frère Omar s’est-il vraiment fait sauter au Bataclan après avoir tiré sur la foule? Deux journalistes l’ont déjà appelé… « C’est pas vrai », sanglote-t-il. Comme lui, les familles des jihadistes du 13 novembre ont dû composer avec les ignominies de leurs proches.
Ce samedi 14 novembre, voilà près de vingt-quatre heures que ce père de famille sans histoire de Bondoufle (Essonne) est scotché devant les chaînes d’info en continu, où tournent les images des attentats commis la veille à Paris et Saint-Denis. Lui-même a expérimenté la panique et l’horreur des attaques, qui ont fait 130 morts et environ 350 blessés: il était tout près des tirs, au théâtre de la Main d’Or, à un spectacle de Dieudonné, confiera-t-il plus tard sur Canal+.
Son frère Omar Mostefaï, dont il n’avait plus de nouvelles depuis des mois, a déjà été formellement identifié par les enquêteurs comme kamikaze du Bataclan. Son nom n’est pas encore sorti dans la presse, mais des journalistes traquent déjà son entourage. « C’est un truc de fou, c’est du délire! », murmure-t-il en retenant ses larmes. « Je peux appeler qui pour savoir exactement? », demande-t-il à un journaliste de l’AFP.
Sa femme, effondrée, sort soudain du pavillon: « Moi, là, ça commence à m’inquiéter… » Il l’interrompt: « Mais c’est bon, si ça se trouve il était dedans et il est mort! »
« C’est quoi le rapport avec nous? On est en froid depuis des années. Moi, je veux protéger mes enfants », poursuit-elle. Le frère s’isole. Sa mère, au téléphone, ne semble au courant de rien. « Mais y’a rien, je te dis ! Vas-y, y’a rien du tout », lui lance-t-il avant de raccrocher. « J’ai pas envie de lui dire n’importe quoi et qu’elle ait une crise cardiaque… »
Il fait nuit noire. Dans quelques minutes, il se rendra de lui-même, avec sa femme, au commissariat d’Évry, où débutera sa garde à vue. Aucune charge n’est retenue contre lui. Mais, depuis, il se terre dans son pavillon, décor pendant des jours des duplex et des reportages de journalistes du monde entier. D’Omar Mostefaï, il ne fait plus qu’un commentaire: « C’est devenu un monstre… »
« Ça reste malgré tout son enfant »
Comme pour lui, l’effroi s’est emparé depuis dix jours des parents, frères et sœurs des jihadistes. Il y a ceux qui s’y attendaient, comme la mère de Bilal Hadfi, 20 ans, kamikaze du Stade de France, qui avait qualifié son fils de « cocotte-minute » quelques jours avant les attentats. Au journal La Libre Belgique, elle avait dit avoir l’impression que son fils risquait de commettre l’irréparable « d’un jour à l’autre… »
D’autres gardaient espoir, comme la famille de Samy Amimour, qui tentait par tous les moyens de rapatrier cet ancien chauffeur de bus de 28 ans, parti en Syrie en 2013, mais qui s’est finalement fait exploser au Bataclan.
La famille d’Hasna Aitboulahcen, elle, a choisi de se désolidariser « des faits et gestes » de la jeune femme, cousine d’ l’organisateur présumé des attentats, Abdelhamid Abaaoud, tuée avec lui lors de l’assaut de Saint-Denis. « Nous n’avons rien à voir avec ces événements, ni de loin, ni de près », martèle son frère. « Nous n’allons pas nous justifier. »
Reste une problématique, à laquelle tous doivent faire face: pleurer un proche en dépit de ses atrocités. « Nous pensons effectivement aux victimes, à leurs familles », avait ainsi déclaré Mohamed Abdeslam, frère de deux jihadistes -l’un s’est fait sauter boulevard Voltaire après avoir tiré sur des terrasses de café, l’autre est en fuite. « Mais vous devez comprendre aussi que nous avons une maman, nous avons une famille, et que ça reste malgré tout son enfant », avait-il ajouté.
En début d’année, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, auteurs des attentats de janvier à Paris, avaient été enterrés en pleine nuit ou au petit matin, en présence, pour deux d’entre eux, de quelques proches. Une sépulture anonyme.
AFP