Lilian Lepère, le graphiste de 26 ans de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), est resté huit heures et demie sans bouger, caché dans un meuble étroit sous un évier, alors que les frères Kouachi étaient retranchés dans l’entreprise.
Durant huit heures et demie, Lilian Lepère est resté recroquevillé dans un meuble d’évier exigu. Sans bouger, sans faire un seul bruit. (Photo : Capture d’écran France 2)
« J’étais dans un meuble avec deux portes battantes, à côté du siphon. C’est pas très grand (…) 70 cm par 90 cm, avec 50 cm de profondeur, sans pouvoir faire un mouvement », a-t-il raconté lundi soir au journal télévisé de France 2. Si on bouge, « la porte s’ouvre d’un côté et ils étaient retranchés dans le bureau de mon directeur, dans la pièce mitoyenne (…) Si je faisais un bruit, ça tapait dans leur mur », explique-t-il. Lors d’une incursion dans le réfectoire d’un jihadiste, le jeune homme est près de se faire repérer : « l’un des deux a ouvert le placard juste à côté du mien (…) à 50 cm. Je me suis dit : il va faire tous les meubles ».
> « Le cerveau qui arrête de penser, le cœur qui arrête de battre »
Mais il n’ouvre pas. Puis l’homme revient et « boit un verre d’eau juste au-dessus de moi, j’entends l’eau qui coule au-dessus de ma tête qui est collée contre l’évier, je vois son ombre à travers le petit interstice de lumière de la porte et le siphon fuit dans mon dos, je sens l’eau qui coule ». Il décrit « un moment surréaliste, je me suis dit : c’est comme dans les films », déclarant qu’il a alors eu « le cerveau qui arrête de penser, le cœur qui arrête de battre, le souffle qui se coupe et on attend, parce que c’est la seule chose à faire ».
Au bout de quatre heures, Lilian Lepère s’aventure à chercher son portable dans sa poche, se servant des téléphones de la société qui sonnaient « un petit peu partout » pour amortir le bruit qu’il pourrait faire. « Mon premier réflexe, ça a été de le mettre en silencieux, sachant que toute la journée, des gens essayent de me contacter (…), mon portable vibre et fait résonance dans ce meuble, à chaque fois, faut décaler la cuisse pour que ça fasse le moins de bruit possible ».
Il envoie un sms à plusieurs de ses proches, son beau-frère lui répond qu’ils sont en direct avec la police. « Là, c’est les premières larmes. Le moral remonte un peu ». Il a ainsi pu donner un maximum de renseignements aux hommes du GIGN, qui ont pu le libérer quatre heures après. À son directeur qui avait été relâché par les frères Kouachi, Lilian Lepère a dit « merci, parce c’est lui qui m’a donné les secondes nécessaires pour que je puisse me cacher. S’ils m’avaient découvert, si on avait été deux otages, peut-être que les choses auraient été différentes ».
AFP