L’enquête sur la filière irakienne dite des Buttes-Chaumont, qui a valu une condamnation à Chérif Kouachi et dans laquelle est apparu le nom de son aîné Said, a mis au jour le radicalisme d’un groupe de jeunes musulmans parisiens dans les années 2000.
L’enquête brosse le portrait d’un Chérif Kouachi animé, selon des témoignages, de la « rage contre les mécréants » et qui évoquait déjà sa volonté d’agir en France dans le contexte du conflit en Irak. (Photo : AFP)
> Les cours de Farid Benyettou
Les frères Kouachi, soupçonnés d’être les auteurs de la tuerie de mercredi à Charlie Hebdo, ont suivi les cours coraniques d’un jeune « émir », Farid Benyettou, dans des domiciles privés ou dans une mosquée du quartier parisien de Stalingrad. Chérif commence à la fréquenter à l’été 2003, puis, après une pause d’un an, à l’automne 2004. Une rencontre apparemment fondatrice car il a jusqu’alors le sentiment de « ne pas être un bon musulman », fumant à l’occasion du cannabis, selon une source proche du dossier.
Devant les enquêteurs, Benyettou ne cache pas être favorable au jihad en Irak, sujet abordé avec Chérif Kouachi auquel il explique que « l’attentat suicide était légitimé par l’islam » dans ce cadre. « Lorsque Benyettou me parlait, j’avais l’impression qu’il me disait d’une certaine manière : « Tu vois, les preuves sont devant toi » », dit Chérif Kouachi. « J’avais vraiment l’impression que la vérité était là, devant moi, quand il parlait. »
> Sur les projets d’action en France de Cherif Kouachi
Il réfute alors toute velléité d’attaques en France et ne sera pas poursuivi pour de tels faits. Mais des protagonistes du dossier rapportent des propos laissant penser l’inverse : Benyettou, qui le décrit comme « très impulsif et très agressif », assure que Kouachi lui aurait « parlé de son intention de porter atteinte à la communauté juive à Paris avant de partir faire le jihad ». Un autre membre de la filière évoque sa « rage contre les mécréants » ou sa volonté « de faire quelque chose ici en France avant de partir ». Selon cet homme, « il demandait à Farid Benyettou si c’était autorisé » mais celui-ci ne « lui a pas donné son accord ».
Kouachi relativise l’agressivité de ses propos, explique avoir « un peu pété les plombs », affirme n’avoir « jamais été antisémite ». Il voulait que ses camarades « puissent constater » qu’il était « bien convaincu ».
> Les velleités de départ en Irak
Chérif Kouachi évoque avec Benyettou à l’automne 2004 son souhait de s’y rendre. Selon une source proche de l’enquête, Benyettou lui confie la mission de « rejoindre le groupe d’Abou Moussab al Zarkaoui », le dirigeant de la branche irakienne d’Al-Qaïda. Benyettou « m’a parlé des soixante-dix vierges et d’une grande maison au Paradis » ou encore « de mettre des explosifs dans un camion et d’aller dans une base américaine », affirme Chérif Kouachi.
Ce dernier explique qu’il ressort « convaincu qu’il s’agissait du chemin à suivre », selon une source proche de l’enquête. Mais finalement, celui qui, selon cette source, se décrit comme « révolté par les tortures que les Américains ont infligé aux Irakiens », ne part pas, arrêté avant son vol pour la Syrie, étape vers l’Irak, prévu le 25 janvier 2005. Il assure que sa détermination avait faibli : « C’est par fierté que j’ai décidé de partir. Je me suis dit que si je me dégonflais, j’allais passer pour un lâche. » Selon une source proche du dossier, il veut convaincre qu’il voulait partir en Syrie « pour laisser paraître qu’il avait au moins essayé ».
> Sur le maniement des armes
Des spécialistes de l’islamisme radical pensent que Chérif Kouachi s’est peut-être finalement rendu en Irak après sa condamnation de 2008. Cette information n’est pas confirmée. Mais à en croire l’enquête sur les Buttes-Chaumont, son apprentissage du maniement des armes semble avoir débuté avant.
Selon plusieurs témoignages, dont celui de Benyettou, ce dernier l’avait mis en contact avec un « instructeur », « Samir » ou « Zahir » : « Il m’a expliqué qu’il y avait trois niveaux de tir: en sécurité, au coup par coup et en rafale. Il m’a expliqué comment le prendre en main, m’a décrit les différents types de munitions (…) Ce cours a dû durer une heure environ. » Selon une source proche du dossier, il a également expliqué s’être « renseigné grâce à internet au maniement de la Kalachnikov » et estimait cet enseignement « suffisant pour pouvoir utiliser cette arme ».
Quant à Said Kouachi, il s’est rendu en 2011 au Yémen pour s’entraîner au maniement des armes auprès d’un membre d’Al-Qaïda, selon un responsable américain.
AFP