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Calais : les migrants laissés à leur sort, la France veut éviter un « appel d’air »


Des migrants près du port de Calais, le 21 juin. (photo AFP)

Huit mois après le démantèlement du gigantesque bidonville de la « Jungle » de Calais, des centaines de migrants errent toujours sur place dans des conditions précaires, alors que la France refuse tout nouveau centre d’accueil pour éviter un « appel d’air ».

Venu « constater la situation sur place », le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a entamé vendredi une visite d’une journée dans ce port du nord de la France qui fait face aux côtes britanniques.

Dans cette zone symbole du drame migratoire en Europe, pour la première fois cette semaine un chauffeur polonais est mort dans un accident consécutif à un barrage dressé par des migrants sur l’autoroute.

Le ministre est venu avec un message clair: il n’y aura pas d’installation d’un nouveau centre d’accueil d’urgence à Calais. « Nous ne voulons pas de centre ici car à chaque fois qu’on a construit un centre, il y a eu appel d’air », a justifié le ministre qui doit rencontrer élus, police et représentants du monde économique et associatif.

« C’est bien, mais moi il ne va pas me rencontrer », soupire Djamal, assis à même le sol d’un terrain vague où une grosse centaine d’Afghans, de Soudanais et d’Erythréens se pressent pour la distribution de repas organisée par les associations.

« Il n’y a pas de robinet et on ne peut pas boire, ni se laver. On n’a pas d’endroit pour dormir », raconte cet Afghan de 24 ans, passé par six pays avant d’arriver en France.

Les forces de l’ordre sont craintes. « La police nous envoyait du gaz, je suis tombé par terre », explique Jan, Afghan de 16 ans, montrant son bandage à la main.

Au coeur de la zone industrielle, une camionnette distribue des barquettes de riz, une autre sert de point d’eau mobile. Autour d’une autre du même type, une dizaine d’hommes se débarbouillent, torse nu, ou improvisent une lessive.

Conditions « inhumaines »

Le Défenseur des droits, institution indépendante française, a dénoncé jeudi ces conditions « inhumaines » et des atteintes aux droits « inédites », exigeant l’installation de points d’eau, d’un dispositif d’accueil et d’un guichet d’asile.

Après ces critiques, le président Emmanuel Macron a « appelé à la plus grande humanité » dans la gestion des migrants et promis une réforme du droit d’asile.

Un « plan » pour réduire les délais de traitement des demandes « de manière drastique » sera présenté « dans les quinze jours », a assuré vendredi le ministre de l’Intérieur. « Nous sommes en train de discuter avec l’Union européenne et les pays d’Afrique de la possibilité de mieux maîtriser ces flux migratoires », a-t-il ajouté.

Il faut que « Calais ne soit plus cet abcès de fixation » pour les migrants, selon M. Collomb.

« Ce ne sont pas des maladies, des saletés, ce sont des hommes et des femmes, qui ont eu un parcours très difficile en fuyant leur pays pour des raisons que l’on connaît tous », s’indigne Hicham Aly, salarié du Secours catholique.

Mais pour le gouvernement, le problème se pose en des termes simples: « on a vu que lorsqu’on laissait faire, on commençait avec quelques centaines de personnes et on finissait avec plusieurs milliers de personnes qu’on ne savait plus gérer », a estimé M. Collomb.

La crainte est de voir pousser un nouveau bidonville, alors que 7.000 personnes environ avaient été évacuées lors du démantèlement de la « Jungle », lancé voici tout juste huit mois, le 24 octobre 2016.

D’autant que les pouvoirs publics surveillent déjà étroitement la situation à la frontière franco-italienne et dans la capitale.

Ainsi, à Paris, le centre humanitaire sature: un campement d' »un millier de personnes » s’est reconstitué dans le nord de la capitale, selon la maire Anne Hidalgo, qui a tiré la sonnette d’alarme pour l’été.

Car aux traversées de la Méditerranée pourraient s’ajouter les migrants déboutés par d’autres pays, notamment des Afghans venus d’Allemagne.

L’argument de l’appel d’air laisse les associatifs sceptiques. « A Calais, il y a des barbelés, des murs et ils viennent quand même », rappelle sous un nom d’emprunt Valérie, bénévole au Secours catholique. « La +Jungle+, ce n’était pas bien, mais au moins ils étaient ensemble… ».

Le Quotidien / AFP