Le chef de l’État avait décidé de se montrer offensif, jeudi soir, en réhabilitant son bilan et en affirmant qu’il reste au travail pour réformer jusqu’au bout. Il a envoyé des signaux vers l’électorat de gauche.
«Oui, ça va mieux ! Il y a moins de déficit, plus de croissance, moins d’impôts. » François Hollande a voulu d’emblée donner un ton offensif à sa grande émission télévisée « citoyenne », jeudi soir sur France 2. Il a eu fort à faire face à David Pujadas, Léa Salamé et aux Français invités qui lui ont rappelé les 700 000 chômeurs supplémentaires, depuis son élection, ou encore la grogne des jeunes face à la loi El Khomri.
Pas de retrait de la loi Travail
Contrairement à son ministre de l’Économie, qui affirme qu’il n’y aura plus de réforme avant la présidentielle, François Hollande a affirmé que trois grands dossiers sont sur la table : la loi Travail, la loi Égalité et Citoyenneté présentée mercredi par Manuel Valls et une loi sur la Transparence, pour lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment. « Je réformerai tous les jours de mon mandat », a-t-il promis. Il a souligné que «la loi Travail ne sera pas retirée», mais qu’il pourra y avoir des « corrections ».
François Hollande connaît ses dossiers sur le bout des doigts, et cela l’a mené très rapidement, comme lors de ses précédentes interventions télévisées, à devenir très « technique » et à s’emmêler parfois dans ses explications. À une chef d’entreprise qui énumérait les freins nouveaux posés depuis 2013 aux embauches, le Président a ainsi proposé une solution pour les stagiaires qu’elle n’a plus le droit d’embaucher : «Prenez les d’abord en CDD, puis transformez le contrat en CDI.» Il venait peu de temps auparavant, de dénoncer l’appel trop fréquent des entreprises aux contrats à durée déterminée…
«J’étais au Stade de France»
Face à une mère de famille qui a perdu son fils converti à l’islam en Syrie, le chef de l’État a reparlé de sa soirée du 13 novembre au Stade de France, puis au Bataclan. « J’étais au Stade de France, j’ai entendu les explosions. » Il a rappelé que les députés unanimes l’ont applaudi à Versailles quand il a évoqué la mesure « symbole » de la déchéance de nationalité des terroristes et a souligné que si la loi avait été présentée dans les jours qui ont suivi les attentats, elle aurait été votée.
Face à un chauffeur de car du Nord qui s’inquiète de l’immigration massive et vote Front national, le président est redevenu très technique, et… très défensif. « Nous sommes, je suis, responsable » de la montée du Front national, a-t-il admis face à David Pujadas qui lui faisait remarquer que 7 millions de Français ont voté aux Régionales pour le parti de Marine Le Pen. « Ces électeurs réclament des réponses. Je suis là pour leur en donner. »
«La politisation est une bonne chose»
Il ne renie «rien», en revanche, de ce qu’il avait dit au Bourget, avant sa campagne de 2012 : il avait alors donné priorité à la jeunesse et désigné son principal ennemi : «la finance.»
L’interlocuteur qui l’a peut-être le plus bousculé est le jeune de gauche désabusé qui lui lance «Vous appliquez la politique du micro-ondes» et manifeste avec le mouvement Nuit Debout à Paris. «La politisation est une bonne chose», a relevé le chef de l’État, en forme de pirouette.
Pas d’annonce forte, beaucoup de justifications et de nombreux dénis quand il était en difficulté («Ce n’est pas exact», «c’est faux», «ce n’est pas vrai»), mais un optimisme comme il en a le secret : François Hollande a tenté hier soir de renouer avec son électorat traditionnel. Interrogé sur une deuxième candidature, il a confirmé qu’elle serait liée à la courbe du chômage et qu’il donnera sa réponse «à la fin de l’année».
Patrick Fluckiger (Républicain Lorrain)