Le gouvernement français a promis jeudi de créer une juridiction spéciale siégeant à Paris en langue anglaise pour régler les différends financiers, tentant ainsi de combler son retard pour attirer les grandes banques américaines après le Brexit.
« Nous allons créer un tribunal spécial pour s’occuper des litiges relatifs aux contrats financiers déterminés par la loi anglaise une fois que le Royaume-Uni aura quitté l’Union européenne », a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, lors d’un petit-déjeuner au club économique de New York à Manhattan, au dernier jour de sa visite dans la capitale financière américaine.
« Toutes les procédures seront en anglais. Nous recruterons des gens avec une expérience de la Common Law, peu importe d’où ils viennent », a-t-il ajouté, avant de rencontrer dans la journée des dirigeants de Citigroup, Morgan Stanley et surtout Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, la première banque américaine en termes d’actifs.
La plupart des grands contrats financiers internationaux sont rédigés en anglais et font référence au droit britannique en cas de conflit. Nombre d’experts estiment qu’ils vont être impactés par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Le calcul du gouvernement français est que si la France peut traiter ces dossiers, Paris aurait ainsi un atout supplémentaire par rapport à Francfort, Dublin ou Luxembourg pour attirer les grandes banques. Paris, qui ambitionne de devenir un grand centre financier en récupérant les activités londoniennes des grandes banques, accuse actuellement un retard sur ses concurrents.
JPMorgan Chase, qui emploie 16.000 personnes au Royaume-Uni et prévoit d’en transférer 4.000 vers l’UE, a ainsi choisi Dublin, Francfort et Luxembourg. Mais la France espère que l’élection d’Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires ayant promis des réformes structurelles dont celle du travail, est un argument de poids pour inverser la tendance.
« La finance n’est pas l’ennemi »
M. Le Maire devait dans cette optique remettre une lettre personnelle du président français à ses différents interlocuteurs et leur faire part des mesures d’attractivité que le Premier ministre français va annoncer à la mi-juillet, a indiqué une source proche du dossier. Il a cherché également à redorer l’image de la France auprès des cercles financiers anglo-saxons, qui avait été notamment ternie par les déclarations de François Hollande en janvier 2012 assimilant la finance à un « ennemi ».
« La finance n’est pas l’ennemi. C’est le chômage l’ennemi », a martelé le ministre à chacune de ses interventions publiques et en privé, expliquant que le secteur employait quelque 800.000 personnes en France. « Faire venir les grandes banques américaines à Paris plutôt qu’elles s’installent à Londres, à Dublin à Francfort c’est créer des emplois », a-t-il défendu.
Déplorant « un trop plein de taxes », un « droit du travail complexe » et un « manque de flexibilité », Bruno Le Maire a promis au gotha de Wall Street des changements et un « allègement progressif » de la pression fiscale, assurant que le taux d’imposition sur les sociétés devrait s’établir à 25% à la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, contre 33,3% actuellement. Il s’est toutefois dit conscient que ce ne serait pas suffisant face à des voisins européens comme l’Irlande dont l’impôt sur les sociétés est de 12,5%, ce qui séduit particulièrement les multinationales.
D’où le fait que « nous allons avec le ministre des Finances allemand faire des propositions sur la convergence fiscale, faire des propositions sur l’harmonisation fiscale avec un objectif que nous soyons tous, les 19 Etats membres de la zone euro, avec des niveaux d’impôts sur les sociétés à peu près similaires ».
M. Le Maire a par ailleurs réitéré que la France allait alléger le millefeuille administratif et « réduire le coût du travail », en faisant par exemple « des changements nécessaires pour moderniser les systèmes de retraite » sans donner de détails. « Mon rôle en tant que ministre n’est pas de créer des emplois mais de mettre en place un cadre règlementaire pour aider les entreprises à créer des emplois », a-t-il justifié.
Le Quotidien / AFP