L’inflation frôle désormais les 3% au Royaume-Uni, où elle atteint son plus haut niveau en quatre ans, une difficulté supplémentaire pour une économie déjà confrontée à de lourdes incertitudes sur les fronts du Brexit et de la politique intérieure.
En mai, la hausse des prix à la consommation a atteint 2,9% sur un an, une vigueur sans précédent depuis juin 2013, a annoncé mardi l’Office des statistiques nationales (ONS). Ce faisant, elle a dépassé non seulement les attentes des économistes interrogés par Bloomberg – qui tablaient sur 2,7% – mais aussi les prévisions de la vénérable Banque d’Angleterre – qui n’attendait pas un tel rythme avant la fin de l’année.
L’arrivée à ce niveau est d’autant plus brutale que les prix évoluaient encore autour de zéro à la fin 2015. Leur reprise, d’abord progressive, s’est accélérée d’un coup après la brutale dépréciation de la livre sterling à la suite du référendum du 23 juin 2016, les cambistes tablant depuis sur des perspectives plus difficiles pour le Royaume-Uni à cause du Brexit. Car cette dépréciation monétaire renchérit fortement les produits importés. Résultat: en mai, les prix de l’alimentation, des vêtements et des chaussures ou encore ceux des équipements audiovisuels ont augmenté bien plus qu’en avril.
Cette progression accélérée n’a été compensée qu’en partie par l’apaisement des prix de l’essence et des lubrifiants, permis par la baisse des cours du pétrole enregistrée dernièrement. Problème pour l’économie britannique, cette inflation dépasse désormais allègrement le rythme de hausse des salaires, aussi les ménages voient-ils leur pouvoir d’achat s’effriter, au risque de peser sur la consommation.
Après la décision choc des Britanniques de quitter l’UE au référendum d’il y a un an, l’activité britannique a été portée à bout de bras par la vigoureuse consommation de ménages à la confiance intacte et prompts à s’endetter pour dépenser. Mais cette consommation donne des signes de fatigue depuis le début de l’année, et la croissance du Produit intérieur brut a déjà ralenti, à 0,2% au premier trimestre par rapport au précédent.
Sortie plus douce ?
« Avec une inflation probablement au-dessus des 3% lors des mois à venir et des revenus des ménages peu amenés à progresser à court terme, les temps à venir seront durs pour les consommateurs », a prévenu Howard Archer, économiste chez EY Item Club, même si Paul Hollingsworth, de Capital Economics, juge que l’inflation n’est sans doute « plus très loin de son pic ». Reste qu’un affaiblissement durable des dépenses des particuliers ferait mal à l’économie britannique, au moment où l’investissement des entreprises est fragilisé par les incertitudes entourant les négociations sur le Brexit entre Londres et Bruxelles.
Le Trésor britannique a d’ailleurs immédiatement cherché à rassurer, en soulignant que le gouvernement aidait « les familles face au coût de la vie de tous les jours, en conservant les impôts bas, en gelant la taxe sur l’essence et en augmentant le salaire minimum ». Mais les autorités elles-mêmes sont en proie à une phase de turbulence imprévue, depuis le mauvais résultat des conservateurs aux élections législatives de jeudi qui les ont privés de leur majorité absolue à la Chambre des communes.
Une première enquête réalisée juste après ce scrutin par l’organisation patronale Institute of Directors a, sur ce point, révélé lundi une chute de la confiance des chefs d’entreprise dans les perspectives de l’économie britannique pour l’année à venir.
Tout n’est pas toutefois noir pour autant pour les milieux d’affaires, notamment le puissant secteur financier, qui espère retourner à son avantage l’issue surprenante des élections pour mettre en avant son espoir d’un Brexit « doux ». Partisane d’un Brexit « dur » qui sortirait le Royaume-Uni du marché unique européen, la Première ministre Theresa May ressort en effet affaiblie du scrutin, flanquée d’opposants travaillistes renforcés et davantage versés au compromis avec Bruxelles.
Le Quotidien/AFP