L’adaptation du génial, mais dilettante Gerson Rodrigues aux exigences du Fola était l’une des questions métaphysiques de ce début de saison. L’intéressé est en passe de régler le souci pour de bon.
L’ancien joueur du RFCU n’avait pas franchement un boulevard devant lui. Tout s’est éclairé avec la blessure d’Emmanuel Françoise. Encore fallait-il parvenir à répondre présent.
Ses dirigeants en rigolent encore. L’acquisition très récente d’un bain bouillonnant d’une capacité de quatre personnes presque entièrement financé par les amendes… d’un seul joueur, c’était du jamais vu au club. « Ils ont même écrit le nom de Gerson dessus. Après tout, il est à lui », se marre Gilbert Goergen, vice-président du Fola.
Pour se faire aimer de tous ses coéquipiers, Gerson Rodrigues a donc frappé un grand coup : ses retards répétés, notamment les samedis matin, aux mises en place tactiques, ont fait gonfler suffisamment la caisse noire des joueurs pour qu’en trois minuscules mois de présence au club, le fantasque ailier leur permette d’enrichir le vestiaire de cet outil de récupération majeur. Le «Whirlpool Gerson», ça ne pouvait arriver qu’à lui.
«C’est Ronaldinho version PSG»
Il faut dire qu’une grande partie de la DN se demandait comment ça allait coller entre ce fêtard invétéré et revendiqué, et ce Fola sérieux, exigeant, dirigé par Jeff Strasser.
Visiblement mieux que ce que tout le monde pensait. Gerson est parvenu à faire en quelques semaines ce qui a pris près d’un an et demi à Ryan Klapp, le dernier bijou arraché par le club eschois au RFCU : être un titulaire crédible. Les esprits chagrins se borneront à constater que cela n’aurait jamais été possible sans la blessure d’Emmanuel Françoise, qui en aura encore au minimum jusqu’en décembre. Ceux qui n’en reviennent pas encore de voir l’ailier aussi à l’aise et déterminant dans l’actuel train de vie du vice-champion diront que l’explication n’est pas suffisante. Et ceux-là ont autant raison que les premiers.
Depuis que ses coéquipiers coincent les bulles dans le vestiaire, Gerson a en effet appris la ponctualité. Ça ne l’empêche pas de faire se bidonner tout le monde avec ses vidéos de soirée, mais l’ancien éphémère pensionnaire du FC Metz (viré à cause de l’extrasportif, justement) a visiblement trouvé un juste équilibre qui lui va bien. « Chez nous, c’était un peu un Ronaldinho version PSG, se marre Vincent Thalamot, qui était allé le chercher à Kayl/Tétange il y a deux ans. Mais il a besoin de ça pour jouer! Si tu lui coupes les sorties, pas sûr qu’il joue aussi bien. Il a besoin de ça pour être bon. »
Mais avec ça, parviendra-t-il à progresser? En attendant de savoir ce que fera Jeff Strasser de ce joyau, il ne lui serre pas trop la vis (juste ce qu’il faut) et le joueur le lui rend sur le terrain. Notamment fin août, par une égalisation de grande classe contre le Progrès Niederkorn (1-1), qui en dit long sur le calibre de ce gamin de 21 ans.
Troyes lui trouvait trop de retard tactiquement
Il n’y a finalement qu’un point sur lequel ses progrès ne sont pas encore quantifiables : l’aspect tactique. Son match d’Europa League à Aberdeeen, le 30 juin dernier, a perpétué l’idée d’un joueur d’instinct qui ne joue que quand il a le ballon dans les pieds. C’est aussi ce que le club de Troyes, qui l’a testé à la fin du printemps, lui a reproché. Se retrouver dans les pattes du duo Strasser-Serredszum ne peut, à cet égard, pas lui faire de mal.
En attendant, il lui reste ce petit quelque chose de plus, cette explosivité que 95 % des autres joueurs de DN n’ont pas, qui le qualifie pour être le joueur par lequel la différence arrive, dimanche, lors du derby eschois. Dans sa tête, Gerson sera peinard : Françoise est encore trop loin du retour pour qu’il en ressente la pression. Ça tombe bien : certains anciens coéquipiers estime qu’elle l’inhibe, qu’il fait partie de cette frange de joueurs qui n’apprécient pas trop la concurrence.
Bref, débarrassé pour quelques semaines encore du fait d’avoir à se bagarrer trop ouvertement pour se faire sa place, capable de vivre sur certains acquis physiques, propriétaire d’un minicentre de remise en forme, le rasta du Fola a encore de quoi nous en mettre plein les mirettes. Mais pour viser plus haut, il y a du boulot.
Julien Mollereau