Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Le F91 a officialisé la venue d’Omar Er Rafik, dimanche. S’il y a débat (enflammé) pour savoir si le Differdangeois est compatible avec Dave Turpel, c’est surtout la manière qui interroge dans le milieu.
Certains estiment que l’attaque qui se dessine la saison prochaine au Nosbaum sera monstrueuse. D’autres ont des doutes sérieux. Mais comme souvent avec le F91, l’intérêt sportif de la chose parvient à être éclipsé par d’autres considérations moins reluisantes. Dommage.
Inutile de se fâcher avec un club qui possèdera une telle puissance de feu, d’autant qu’il prête des joueurs à tour de bras ces derniers temps et qu’il vaudrait mieux ne pas se retrouver blacklisté. Le coach qui requiert l’anonymat le fait avec une bonne raison, c’est qu’il a la même opinion que beaucoup de ses collègues : « Il y a quelques mois, ils avaient essayé de prendre Hadji pour déstabiliser le Fola. Là, ils prennent Er Rafik pour déstabiliser Differdange. Il y a quelque temps, ils faisaient la même chose avec la Jeunesse, mais la concurrence a changé… »
«Comme le Bayern avec Dortmund»
La théorie d’un F91-vampire qui sort le carnet de chèques pour déforcer les clubs les plus gênants a déjà un certain vécu. Et après tout, il y a de quoi : comment justifier une offre formulée (et refusée) à Samir Hadji, joueur de pivot de plus de 1,90 m quelques semaines avant celle adressée (et acceptée) à Omar Er Rafik, petit joueur qui décroche et aime la profondeur? S’ils ont tous deux d’indéniables qualités qui les qualifient pour rejoindre Dudelange, les profils sont tellement dissemblables qu’à la vérité, même si les dirigeants dudelangeois n’avaient pas de mauvaise intention, pour le coup, il serait impossible de les croire sur parole avec une telle stratégie sportive hétéroclite. « Ils font comme le Bayern avec Dortmund, synthétise un autre coach : ils achètent des joueurs aux adversaires principaux quitte à ce qu’ils doivent les mettre sur le banc. »
En somme, ça ne passe pas. Même le timing est douteux. Annoncer ce transfert que tout le monde considère comme déjà acté depuis longtemps, juste avant la dernière journée de championnat, alors que le FCD03 d’Er Rafik peut encore contester le titre au leader, fait rire l’intégralité du football luxembourgeois genre «ils ne doutent vraiment de rien».
Et c’est dommage. C’est dommage parce qu’il y aurait beaucoup de choses à dire sur l’association qui se dessine la saison prochaine à Dudelange, pour peu qu’Omar Er Rafik parvienne à faire ce que de glorieux prédécesseurs (Momar N’Diaye, Daniel Gomez…) n’ont pas réussi : être titulaire.
L’association éventuelle Hadji-Turpel n’avait, en soit, aucun intérêt. « Deux vrais attaquants de pointe ensemble, ça aurait rimé à quoi? », s’interroge un coach avant de concéder au F91 le droit d’y penser avec Er Rafik : « S’il y a bien un club au Grand-Duché qui peut se le permettre, c’est bien eux. Il y a assez d’expérience chez les deux joueurs et chez le staff pour parvenir à les associer. »
Entre un Turpel qui n’aime pas jouer dos au but, mais plutôt dévorer les espaces et un Er Rafik qui sait décrocher et se retourner, dans un rôle de 9 et demi, il y a en effet de quoi rêver, non? « Ah ça oui, c’est un super coup », reconnaît notre anonyme n° 1, qui se souvient toutefois avoir regardé un match qui avait vu une association Er Rafik – Caron, en pointe, avec le FCD03 « et ça n’avait pas fonctionné ».
«Tous les deux ont besoin d’espaces»
« Normal, bondit Sébastien Grandjean, ancien coach du F91 et qui rédige des chroniques dans ces colonnes depuis des années. Er Rafik et Turpel ont toujours été habitués à jouer seuls. Tous les deux ont besoin d’espaces. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas complémentaires, mais il va falloir travailler énormément les automatismes pour que ça fonctionne. »
D’ailleurs, très concrètement, Dino Toppmöller n’a pratiquement jamais fonctionné avec deux pointes cette saison. Cela sous-entend une redéfinition complète de son système de jeu, avec énormément de questions en suspens. Si Er Rafik joue en 9 et demi, fini le n° 10. Et donc Joël Pedro titulaire? Parce qu’on n’imagine pas Pokar sortir du onze de base vu son influence à la baguette. Comme on l’imagine difficilement d’ailleurs passer toute une saison devant la défense, alors que la paire Dikaba-Stelvio est une des garanties de ce F91 si solide. « Y’a du boulot… », sourit Grandjean.
À moins que Turpel ne finisse enfin par décoller vers le professionnalisme. Mais les intervenants proches du joueur assurent que ses clauses contractuelles le rendent «insortable» pour un club pro. « Quand on s’appelle le F91, conclut un dernier entraîneur tout aussi frileux que les précédents, on peut se permettre d’avoir deux attaquants de ce niveau. Il y a le titre à jouer, la Coupe d’Europe aussi, n’oublions pas, avec l’envie, peut-être, de passer un tour. Regardez ce qui est arrivé au Fola quand ils ont perdu Hadji : ils n’avaient plus de solution. » De ce point de vue-là, le F91 en aura beaucoup, des solutions…
Julien Mollereau
