La monnaie russe poursuit son rebond, notamment sous l’impulsion des exportateurs publics du pays, appelés à la rescousse. Mais les prix flambent et la récession guette.
Habillés en ours blancs, symbole du parti au pouvoir Russie Unie, des sympathisants du Parti communiste russe ont participé à un rassemblement contre la chute du rouble, lundi devant le siège du gouvernement. (Photo : AFP)
Après son plongeon historique sur fond de crise ukrainienne et chute des cours du pétrole, la monnaie russe est désormais revenue à ses plus hauts niveaux depuis deux semaines. Les analystes expliquent ce rebond en partie par l’intervention des industriels publics russes aux côtés de la banque centrale et du ministère des Finances. Révélée par le journal économique Kommersant, la directive a été publiée mardi dans la journée par le gouvernement. Elle demande au groupe gazier Gazprom, aux pétroliers Rosneft et Zaroubejneft et aux producteurs de diamants Alrosa et Kristall de ramener leurs réserves de devises à leur niveau de début octobre et donc de vendre avant le 1er mars tout ce qu’elles ont accumulé depuis. Des sources sur le marché des changes interrogées par Kommersant estiment que cela pourrait représenter entre 40 et 50 milliards de dollars, soit un milliard de dollars vendus par jour en moyenne. C’est une somme considérable, représentant jusqu’au quart des échanges quotidiens sur le rouble à la Bourse de Moscou. Le ministre de l’Économie, Alexeï Oulioukaïev, a refusé de se prononcer sur cette estimation, soulignant qu’aucun accord ne fixait les montants.
Les ventes des industriels s’ajoutent à celles, quasi quotidiennes, de la banque centrale (plus de dix milliards depuis début décembre) et depuis la semaine dernière à celles du ministère des Finances (sept milliards au total prévus). La banque centrale a indiqué prévoir des consultations avec les sociétés exportatrices en vue de « mettre au point un programme optimal » concernant ces opérations. Le géant pétrolier Rosneft, dirigé par un proche de Vladimir Poutine, Igor Setchine, s’est félicité de cette coopération. « Certains œuvrent contre le rouble, c’est pour cela qu’il faut lutter pour le rouble de concert », a déclaré le vice-président Mikhaïl Leontiev. Le rouble a désormais effacé toutes les pertes subies lors de son plus fort plongeon observé en 15 ans. Il était quasi stable mardi en fin de journée à 68 roubles pour un euro et 56 roubles pour un dollar, bien loin des seuils respectifs de 100 roubles et 80 roubles touchés en début de semaine dernière. Pour l’analyste Alexeï Mikheev, la raison de ce rebond est en premier lieu « un déficit de roubles sur le marché » causé par le durcissement monétaire de la banque centrale. La remontée du rouble constitue un soulagement pour Moscou vu la panique qui s’était emparée du marché et l’inquiétude de la population.
> La population retire ses fonds en masse
Mais le choc de la semaine dernière pousse déjà les prix vers le haut et la hausse de taux radicale de la banque centrale décidée pour défendre la monnaie va renchérir le crédit pour les particuliers et les entreprises. « La situation de l’économie exige des mesures extrêmement précises », a déclaré le Premier ministre Dmitri Medvedev, mardi, lors d’une réunion du parti au pouvoir Russie Unie. « Si l’on se fixe des objectifs trop modestes, nous risquons de tomber dans une récession plus profonde que ce qui est possible », a-t-il ajouté. Le gouvernement prévoit un recul de 0,8 % du produit intérieur brut l’an prochain, après une croissance de 0,6 % cette année, mais certains économistes prévoient désormais une chute atteignant 5 % du PIB. S’il est soutenu par les interventions des autorités, le rouble reste d’ailleurs fragilisé par l’inquiétude croissante de la population, qui a retiré des fonds en masse des banques. « C’est une véritable panique », a constaté le patron de la deuxième banque du pays, VTB24, Mikhaïl Zadornov. « Les gens retirent également leurs dépôts en devises » et pas seulement en roubles pour les convertir, a-t-il déclaré. Le mouvement a poussé une grosse banque, Trust, au bord de la faillite, contraignant la banque centrale à la mettre sous tutelle et la renflouer en urgence lundi après, selon la presse, d’importants retraits de dépôts.
AFP