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Au Bataclan, c’était «l’enfer de Dante», pour un policier de la BRI


Des policiers de la BRI posent à côté d'un bouclier le 17 novembre 2015 à Paris sur lequel on voit les impacts de balles des terroristes, lors de l'intervention au Bataclan. (Photo : AFP)

C’était «l’enfer de Dante»: arrivé au Bataclan 35 minutes après le début de l’attaque vendredi soir, un policier de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) raconte à l’AFP l’assaut au terme d’une prise d’otages sanglante.

«A 21H40, nous avons eu les premiers coups de téléphone, nous disant qu’il y avait des explosions au Stade de France puis des coups de feu au centre de Paris», explique ce policier, qui souhaite garder l’anonymat.

A 22H00, une première équipe quitte le «36», siège mythique de la police judiciaire parisienne au Quai des Orfèvres, «avec un peu de matériel». «Nous étions dans le hall du Bataclan à 22H15». Un commissaire de la brigade anticriminalité (BAC) de Paris qui s’était rendu sur place avec son chauffeur avait abattu un jihadiste au rez-de-chaussée de l’établissement.

«Quand on arrive, on n’entend aucun tir. On se demande si les terroristes sont partis par l’arrière», raconte le policier de la BRI qui fait partie de la «première colonne» entrant dans les lieux.

«On a vu des morts sur le trottoir, puis dans le hall d’accueil. Dans ce qu’on appelle la fosse, il y avait plusieurs centaines de personnes couchées les unes sur les autres, appelant au secours, un mélange de gens morts, de gens blessés», a raconté Denis Safran, médecin de la BRI qui était dans la colonne.

«Je n’ai jamais vu ça», confirme le policier. «Une marée humaine, l’enfer de Dante, du sang partout, on marche sur des corps, on glisse sur du sang», se souvient-il.

«Des otages partout»

«Chaque fois qu’on ouvre une porte on trouve des otages. Il faut vérifier que ce sont bien des otages», raconte-t-il. «Ça a été un travail de nettoyage très rapide de la BRI, s’assurer qu’il n’y avait plus de tireurs et pas d’explosif au rez-de-chaussé», souligne le médecin.

La première colonne continue de progresser vers l’étage. La deuxième se positionne en renfort. Le RAID assure un soutien à l’extérieur et au rez-de-chaussée. «A chaque pas nous trouvons des otages partout, dans des faux plafonds, sous les canapés… et chaque fois il faut vérifier qu’ils ne sont pas armés et n’ont pas de bombe», raconte le policier de la BRI.

A 23H15 «nous sommes devant une porte derrière laquelle un terroriste hurle. Ils sont deux, avec une ceinture d’explosifs qu’ils menacent d’enclencher. Ils veulent qu’on recule, menacent de décapiter des otages, parlent de la Syrie», continue-t-il.

Un négociateur discute par téléphone avec eux en vain. A 00H18, le «top assaut est donné». «On passe la porte et on se retrouve dans un couloir d’une quinzaine de mètres». Entre les policiers et les jihadistes qui engagent le feu, se trouvent des otages.

«Ils se couchent, ils se sont fait tout petits, on ne sait même pas comment. On avançait sous le feu des terroristes sans tirer tant qu’il y avait des otages, on était derrière le bouclier», explique-t-il. Pris en photo, le bouclier comptait une vingtaine d’impacts de balles après l’assaut.

«On fait une chenille humaine pour faire passer les otages derrière nous, les gars derrière, le bouclier encaissant les tirs de kalachnikov», décrit-il. «Et puis il n’y a plus d’otages entre eux et nous, le top du deuxième assaut est donné». Un policier est blessé par un ricochet de balle.

«Une marche, le bouclier tombe, on voit une ombre, on tire, on voit l’ombre s’affaisser et ça explose. On ne sait pas comment, mais le résultat est que les deux jihadistes explosent», selon lui.

Il faudra une heure pour sécuriser les lieux. «Ils se sont fait sauter devant une porte derrière laquelle il y avait une quinzaine d’otages qui ne voulaient pas croire que nous étions la police. Ils ont appelé le 17 pour être rassurés, ce qui est normal». Les hommes de la première colonne sont ceux qui avaient donné l’assaut lors de la prise d’otages à l’Hyper Cacher en janvier.

AFP/M.R.